Une vie de filature (2)



Louis MORIN chez THIRIEZ par Anne-Catherine Mouchet

Pour aller plus loin :

L’évolution des «Établissements J. Thiriez père et fils et Cartier-Bresson». In: L’information géographique, volume 24, n°1, 1960. pp. 33-36. – DOI : https://doi.org/10.3406/ingeo.1960.1962

CANDIANI, C. (journaliste en 1948). (diffusion : 3 avril 2021). Des taudis lillois aux filatures modernistes de Roubaix : reportage dans le nord de la France en 1948. Dans GARBIT, P. (réalisateur). Les Nuits de France Culture. France Culture https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/ainsi-va-le-monde-visite-dans-le-nord-de-la-france-1ere-diffusion-18111948-chaine-parisienne-0

PELLISSIER, Y. (journaliste). (diffusion : 12 juillet 1978). Reportage sur le textile chez DMC Lille et Loos. Dans JT FR3 Nord Pas de Calais.  France Régions 3 Lille – https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/rcc99006602/reportage-sur-le-textile-chez-dmc-lille-et-loos

Musée Filatures Thiriez-DMC (2017). Les filatures de Coton dans le Nord de la France, par le Musée TCB. https://vimeo.com/216470576




Une vie de filature (3)

Et qui pourrait le mieux parler de cette maison que Thérèse MORIN elle-même ? Laissons lui donc la parole (cette présentation étant extraite de quelques pages de souvenirs écrites par Thérèse en 2004) :

Dans une maison à 2 étages sans eau au robinet mais avec une pompe à actionner dehors avec des brocs que l’on montait dans les chambres pour qua la toilette se fasse dans une cuvette où, durant l’hiver, on cassait la glace pour se laver !!! Si on voulait prendre un bain, on chauffait l’eau qu’on vidait dans une jolie cuve en bois comme étaient les tonneaux. Cette cuve était alors mise dehors, c’était un régal !

J’ai le souvenir qu’un jour des rats sont passés par la bouche de la pompe à eau… on n’a pas été empoisonné ; la preuve : j’ai 77 ans !!!

Nous avons eu le bonheur d’habiter une maison avec un jardin. C’était un jardin ouvrier où quelque 10 parcelles étaient distribuées entre plusieurs personnes mais nous avions la possibilité d’en profiter au maximum, notamment des allées pour faire du vélo.

On n’avait ni électricité, ni radio, ni téléphone. On était éclairé par un bec de gaz qui était au centre de la salle à manger ; un bec de gaz qu’on allumait avec des allumettes lorsque le jour baissait, alors on était obligés de rester ensemble dans la même pièce.  […]

Exemples de bec de type Argand, Papillon et Manchester.
Source photos :  site Lumiara

Nous avions la chance d’avoir un jardin très bien entretenu par notre papa. Nous avions énormément de bons légumes sans aucun engrais, si ce n’est l’utilisation du purin que papa prélevait dans la fosse sous le WC qui, lui, se trouvait en dehors de la maison. Même avec moins 15°, on y allait (BRRR !!!) , il n’y avait pas de chasse d’eau. On utilisait des morceaux de journaux comme papier cul !!! On allait pomper de l’eau pour nettoyer le WC.

Nous n’avions comme chauffage qu’un fourneau au charbon qui était dans une pièce. Mais il était assez important pour diffuser un peu de chaleur dans les 3 pièces en enfilade. Par contre, dans l’arrière-cuisine où on faisait la vaisselle, pas question de chauffage ! l’eau était chauffée sur le feu et transportée dans une bassine dans cet endroit. Pas de produits à vaisselle ! mais du savon de Marseille.

Pour aller dans nos chambres, nous n’avions que des bougies et pas de chauffage. Nos devoirs étaient faits dans la pièce commune mais sans difficultés ; on sentait les bonnes odeurs des repas préparés par maman. […] j’ai connu aussi, à la place des bougies, des lampes pigeon : il y avait un réservoir d’huile, une mèche, un verre et cela tenait plus longtemps que les bougies. C’était du luxe !

Nous avions une maison très agréable […] elle comportait beaucoup d’avantages : une verrière sur la salle habituelle de rassemblement, très claire avec une porte vitrée qu’on ouvrait dès que la température le permettait. Dans cette pièce, il y avait le fourneau très important, très apprécié, en hiver surtout. Du carrelage par terre, une grande table où l’on se retrouvait tous. Au centre une salle à manger peu utilisée à cause de sa place sans fenêtre, sans luminosité. A la suite il y avait pour nous la salle de jeux. Il y avait dans notre enfance des coffres qui nous appartenaient, lesquels étaient recouverts de coussin où on pouvait s’asseoir au sol. C’était un plancher bien entretenu, sur lequel on a beaucoup joué avec aux pieds des chaussettes (trouées), on pouvait y glisser, c’était formidable. Maintenant je me dis que maman devait choisir de nous laisser glisser pour nettoyer le paquet !!!

Au 1er étage, il y avait 2 chambres et au 2ème, il y avait 1 chambre et un genre de grenier. Par contre, les escaliers étaient aussi bien cirés que les salles du bas et notre joie était de les descendre sur le derrière ! ça glissait tellement bien ! notre papa faisait comme nous. Les plus audacieux comme Jean et Marie-Louise descendaient sur la rampe !

Il y avait un sous-sol, une cave où se gardait le tonneau de bière que nos parents confectionnaient avec les légumes du jardin, par exemple les chicons ou endives ou barbes de capuçon qui poussaient en cave l’hiver dans un compost sable et terre. Dans l’autre partie de cave était le charbon, seul combustible à ce temps là ; il nous était livré par un soupirail.

Dans le jardin dont papa était un expert, nous avions de très bons légumes mais aussi de ces jolies fleurs violettes, pois de senteur, roses, dahlias. De ce côté-là, notre papa faisait plaisir à maman amoureuse de fleurs (j’ai hérité d’elle !!!). Il y avait des seringhas très odorants dans notre petite cour derrière la maison. Il y avait aussi un poulailler, donc des œufs frais, des poules et poulets à déguster ! Dans ce jardin dont nous pouvions profiter, il y avait un tel espace que nous faisions du vélo et nous pouvions nous installer où bon nous semblait. Je me revois vers 10 ans installée avec ma grand amie Mimie sur un tas de fumier taillé au carré jouant à la recherche de mots sur le dictionnaire !!!




Dans la famille MORIN-GICQUEL, je voudrais…

Et si je vous invitais à découvrir avec moi les cartes qui composent notre jeu des 7 familles ? En initiant ce blog, je n’avais pas l’intention de livrer des données généalogiques brutes de peur de perdre l’attention du lecteur. Néanmoins, à partir du moment où j’ai pu le reconstituer, il me semble important de parler du groupe familial qui a participé à la construction de la personnalité de nos ancêtres.

Nous commençons aujourd’hui avec la grand-mère… que nous connaissons déjà : Jeanne GICQUEL est l’épouse de Louis MORIN. Le couple a eu 3 enfants : Marie-Louise, Jean et … Thérèse, bien sûr !

Le père de la grand-mère : il s’appelle Mathurin, il est issu d’une famille de meuniers et il travaille au moulin de Cohorno à Plémy. Il a deux frères, l’un est aussi meunier et l’autre cultivateur ; les frères GICQUEL sont tous réunis dans le même hameau.

La mère de la grand-mère : Victorine AGAR est la dernière d’une famille de 12 enfants (!). Quelques uns de ses frères et soeurs se sont exilés à Paris pour trouver un travail mais elle, est restée au pays. Elle participe certainement activement au bon fonctionnement du moulin.

Ensemble, ils ont eu 8 enfants :





Mathurin était le meilleur ami de notre grand-père. Il est malheureusement mort à la guerre.

Victorine quand elle était jeune a aussi été placée comme gouvernante dans une famille d’industriels lillois, les DELCOURT. Elle y est restée 3 ans. Puis elle s’est mariée avec Jacques PELLAN, un garçon du pays qui était aussi son cousin éloigné. Le couple tenait un commerce de tissus dans la Manche. Ils n’ont pas eu d’enfants et sont revenus vivre à Moncontour au moment de la retraite.

Marie Sainte n°1 est décédée alors qu’elle n’avait que 3 ans.

Jeanne est donc la 4ème de la famille.

Pierre est resté au pays. Il était cultivateur et a épousé Angélique LENORMAND de Plémy également. En principe, leur mariage devait avoir lieu en même temps que celui de nos grands-parents, mais ce dernier a été retardé parce que notre grand-père était encore hospitalisé suite à une blessure de guerre. Pierre et Angélique ont eu 2 enfants.

Marie Sainte n° 2 était bonne du curé. Pour des raisons qui restent obscures, elle a été internée à l’hôpital psychiatrique de Bégard (Côtes d’Armor). Elle y est décédée à l’âge de 40 ans. Notre grand-mère n’en a jamais parlé…

Jacques est né en 1900, il a épousé une MORIN qui -a priori- n’a rien à voir avec ceux de notre famille. Ils ont eu une fille, Gisèle qui est la maman des 3 enfants BURLOT.

Virginie, la petite dernière, est restée longtemps célibataire. Au début de sa vie professionnelle, elle était employée de maison à Rambouillet. C’est elle qui s’est occupée de sa maman jusqu’à la fin de sa vie (1940). Elle a ensuite épousé Jean Baptiste GALLAY et ils ont eu 2 enfants.

On notera que seule Jeanne est partie définitivement des Côtes d’Armor. Dans sa famille, elle avait de ce fait un statut un peu particulier. D’après ce que m’a expliqué une des cousines de notre maman, les rares retours au pays de la famille MORIN-GICQUEL étaient très remarqués : les enfants MORIN impressionnaient par leur tenues toujours impeccables et leurs manières venant de la ville 🙂




Gribouilliste-croquiste et styleuse-modeuse…

Celles et ceux qui ont suivi les précédents épisodes (et suivront les prochains) ont compris que pour trouver des créatifs il faut plutôt aller du côté MAÎTRE / AYMONIER : entre le dénommé TOURLAQUE (Branche AYMONIER) qui a côtoyé les peintres les plus célèbres, une Antoinette MAÎTRE qui a épousé un certain André CHARIGNY, peintre franc-comtois renommé, les REUDET / AYMONIER inventeurs et entrepreneurs de père en fils (article à venir) et nos grands-parents paternels qui jouaient tous deux du piano, difficile de tenir la barre côté MORIN / GICQUEL… Pas de peintre, ni d’artiste… Ni industriel, ni inventeur fou. Tout au plus une lignée de meunier côté GICQUEL et des cultivateurs et commerçants-débitants côté MORIN. Pas de quoi créer la moindre prédisposition créatrice auprès des descendants…

Et pourtant, contre toute attente, ce sont bien les enfants MORIN / GICQUEL qui avaient la fibre artistique : notre oncle Jean MORIN jouait très bien du piano quand il était jeune, même si de par sa profession -il était prêtre- il a plus eu l’occasion de s’exercer sur un orgue. Sa soeur aînée, Marie-Louise maîtrisait l’art du dessin et de la peinture. Pendant ses séjours en France (1), installée dans la cour, elle croquait à main levée et peignait des bouquets de fleurs et des paysages toujours très joyeux, oeuvres qu’elle abandonnait à la postérité.

Enfin, on sait que, Thérèse, la cadette, a toujours regretté de ne pas avoir poursuivi l’apprentissage du piano. Les cours lui avaient été offerts avant la guerre par leurs amis de Loos-lez-Lille (59), les POTIER qui avait les moyens, et aussi un grand coeur.

Et tout comme sa soeur, Thérèse était aussi douée pour le dessin. A t’elle eu l’occasion et le goût d’exercer ses talents durant la guerre ? Je n’en suis pas convaincue vu les circonstances… Toujours est-il que devenue adulte, pendant les réunions, qui furent nombreuses du fait de son métier (professeur, puis directrice) et de son engagement dans moultes activités associatives, elle ne pouvait s’empêcher de griffonner, gribouiller, noircir des pages et des pages de croquis et de formes plus ou moins géométriques. A croire qu’elle avait hérité de sa maman ce besoin irrépressible de s’occuper les mains (voir l’anecdote relative aux queues de vaches dans l’article Jeanne, du moulin de Cohorno à la vie de château….)

Pour exemple, voici quelques planches d’un carnet exclusivement dédié aux gribouillis de réunions

Par ailleurs, étant une couturière émérite, ancienne professeure ayant travaillé à Paris dans le secteur de la mode, Thérèse MORIN, devenue maman, avait l’habitude de créer et de confectionner la plupart des vêtements pour ses 3 enfants : pantalons, salopettes, chemises, robes, manteaux, etc. Rien ne lui faisait peur, au contraire ! elle adorait cette phase de création. Et il n’était pas question de choisir des schémas existants. Les modèles sortaient directement de son imagination. Nous, les filles, avons ainsi porté des robes en skaï (simili cuir) écossaises avec des cercles évidés au niveau de la taille (la mode avant l’heure des ventres à l’air), des robes courtes avec des volants ou avec des smocks faites main (fronces rebrodées sur l’endroit du tissu)… A l’école, nous n’étions jamais habillées comme les autres -en plus de ne pas porter les mêmes prénoms- et nous en éprouvions je crois une grande fierté. Voici quelques modèles esquissés et créés par notre mère modiste :

En définitive, dans le couple MAÎTRE / MORIN, chacun portait de manière complémentaire une grande part de créativité. Je ne pourrais trouver meilleur exemple que le recto verso de cette feuille pour l’illustrer :

Au recto, les gribouillis de notre mère qui faisant preuve d’une grande auto dérision a noté en haut à gauche : “Réunion intéressante 1964”

Au verso, les savants calculs de notre père pour un projet en cours

(1) Marie-Louise était en effet fille de la charité à Madagascar ; elle y est restée 74 années, jusqu’à son décès en 2016

MORIN Thérèse née en 1927 à Loos-lez-Lille (59), dcd en 2009, fille de Louis (GPM) et de GICQUEL Jeanne (GMM) – conjoint : MAÎTRE Bernard, 3 enfants




L’émigration costarmoricaine

On a parlé de la jeune Jeanne GICQUEL, partie à 17 ans de son petit village de Côtes d’Armor pour  « se placer » dans une famille du Nord comme gouvernante. Elle n’est pas un cas isolé, loin s’en faut ! A partir des années 1860, les bretons se sont mis à émigrer en masse. En cause : la chute de l’industrie textile, la surpopulation et une misère extrême. Il n’y a alors plus assez de terres à cultiver.

Alors, on se regroupe pour partir sur les routes comme pillotou (marchand de chiffons ambulants), souvent en direction de la Normandie. C’est vraisemblablement le cas de Victorine, la sœur aînée de Jeanne, qui avec son époux Jacques Marie PELLAN, sont désignés comme marchand de tissus dans certains actes d’état-civil à partir de 1920. Ils ont d’ailleurs passé une partie de leur vie en Normandie avant de revenir s’établir à Moncontour, en Côtes d’Armor. De même, Anne Marie MORIN, sœur de Louis, notre grand-père, est partie s’établir définitivement après 1895 en Normandie avec son mari Jacques COUVRAN, comme marchands de chiffons.

Entre 1850 et 1950, un grand nombre de bretons des Côtes d’Armor partaient comme simples ouvriers agricoles pour faire des « saisons » sur l’île de Jersey, notamment pour le ramassage de pommes de terre. Beaucoup viennent de Ploeuc et de Plémy. Les conditions de vie étaient difficiles. Pour autant, certains n’ont pas hésité à s’installer définitivement dans l’île avec femmes et enfants. Dans une moindre mesure, une émigration agricole s’est produite également en direction de l’Aquitaine, région dépeuplée qui  de 1920 à 1940 avait besoin de main d’oeuvre pour s’occuper de terres inexploitées.  Il s’agissait là d’une émigration organisée qui répondait à une logique économique. Pour le moment, pas de personnes connues dans les branches MORIN ou GICQUEL qui se seraient installées à Jersey ou en Aquitaine dans le cadre de cette émigration, mais il n’est pas exclu qu’il y en ait.

Enfin, comme nous l’avons vu, au début du 20ème siècle, les femmes partaient   se placer soit comme « nourrice sur lieu » un peu partout en France, soit comme domestiques (bonnes à tout faire, cuisinières, ménagères, etc.).  

Pour aller plus loin :

  • Sur le site de l’Institut de documentation bretonne et européenne (IDBE), on trouve l’étude de l’Abbé Elie Gautier sur l’émigration bretonne ainsi que des coupures de presse sur ce thème
  • Les émigrants bretons à Jersey / Mark Boleat, traduction par Alain Boleat – mars 2016 –



Jeanne : du moulin de Cohorno à la vie de château…

Elle a exactement 16 ans, 10 mois et 7 jours ; et ce 2 novembre 1911, elle quitte déjà son village, sa famille, ses amis, pour sauter dans l’inconnu. Le poète dit qu’on n’est pas sérieux quand on a 17 ans, et sans doute ne l’est-elle pas non plus  ayant eu la chance de vivre une enfance heureuse au moulin de Cohorno, à Plémy, dans les Côtes d’Armor,  avec un papa meunier qui prenait le temps de faire réciter les leçons et de jouer avec ses enfants. C’est une fille vive, espiègle et douée pour les études. Elle a obtenu son certificat d’études, ce qui était rare pour une fille, et elle était toujours classée deuxième aux examens du canton… “Comme Poulidor”, dira t’-elle. Mais c’est aussi une jeune fille rêveuse. Chargée de mener les bêtes au champ et ne sachant que faire de ses mains attacha la queue de 2 vaches ensemble. Elle ne se rendit compte de sa bévue qu’au moment où le troupeau commença à s’éparpiller…

1915 – Jeanne GICQUEL 21 ans

Mais pour l’heure, sérieuse ou pas, Jeanne se trouve bel et bien face à la réalité : 4ème d’une famille de 8 enfants,  elle est en route pour Lens à plus de 600 km de là où elle s’apprête à servir comme gouvernante dans une riche famille. Certes elle n’est ni la première, ni la dernière,  à « partir voyager » comme on dit. Beaucoup de jeunes filles ou de jeunes mères partent se placer à Paris, Toulouse, Biarritz, ou en Belgique comme cuisinières, bonnes ou nourrices « sur lieu », ces dernières étant les moins bien loties car elles abandonnent alors leur propre nourrisson tout juste sevré, ainsi que leurs autres enfants pour s’occuper du frère de lait. Les bretonnes sont en effet très recherchées par les familles de Paris et du Nord, notamment celles venant de Côtes d’Armor. Dans le village à côté, à Ploeuc, il existe même depuis 1889 une agence de placement pour les nourrices. “Se placer hors du pays” est donc de bon ton en ce début de 20ème siècle, surtout que cela soulage la charge de familles souvent nombreuses.

Région de Ploeuc – carte 1930

Pour autant, il faut qu’elle ait bien du courage, notre petite Jeanne pour braver l’inconnu, elle qui n’a jamais quitté son environnement que pour aller à Lamballe, à 20 km de là, vendre des bêtes avec son père.

A-t-elle choisi de partir ? la question n’a pas lieu d’être car à ce moment-là, le luxe du choix n’existe pas. Elle a certainement été encouragée à le faire. En réalité, sa sœur Victorine, de 6 ans son aînée, a déjà été placée pendant 3 ans à Lille chez la famille DELCOURT pour s’occuper des enfants. Et c’est cette famille qui a contacté la maman (de Victorine et Jeanne) pour savoir si elle connaissait une jeune fille pour un couple d’amis.  De là à y voir une opportunité à saisir, il n’y a qu’un pas…

C’est l’occasion de faire un apport d’argent car on peut imaginer que Jeanne en enverra régulièrement à ses parents. C’est surtout l’occasion –mais la jeune fille à ce moment-là n’en mesure pas les conséquences pour elle-  de sortir d’une trajectoire de vie très prévisible, consacrée aux travaux des champs et à des tâches exigeantes et peu gratifiantes.  L’occasion de s’élever socialement, même si jusqu’à la fin de sa vie elle ne reniera jamais ses origines et saura toujours rester très humble.

Donc… cap sur Lens !  Le voyage commence à L’Hermitage-Lorge, où elle est amenée par son frère aîné et le meilleur copain de celui-ci, Louis MORIN qui deviendra par la suite son fiancé, puis son époux… Elle prend un train qui l’amène à Saint-Brieuc, où elle doit attraper un autre train de nuit qui l’amène à Paris, gare Montparnasse. De là, elle doit se rendre en taxi à la gare du Nord pour prendre le train pour Lens, avec encore un changement à Arras.

Arrivée là-bas, elle est accueillie par une grande dame élégante, qui s’avère être sa future patronne. Il s’agit de Madame Marguerite-Marie SPRIET, fille d’Auguste BONTE, riche négociant lillois, président du tribunal de commerce de Lille, officier de réserve dans l’artillerie. Le mari, Charles SPRIET, est ingénieur des mines. Quand Jeanne arrive dans la famille en 1911, il y a un seul enfant, une petite fille nommée Geneviève. Elle sera très vite rejointe par un garçon en janvier 1912, puis un autre en 1913, en  1914 et en 1915, une fille en 1917, etc. (il y en aura 11 en tout, mais durant son service de 7 années, notre Jeanne s’occupera de 6 enfants, ce qui est déjà pas mal…

1917 – Jeanne GICQUEL avec 6 des enfants de la famille SPRIET-BONTE

Ecoutons-la nous parler de son expérience :

Je garde un bon souvenir de Lens. La maison située Rue du 14 juillet était une jolie demeure bourgeoise. Il y avait un petit jardin, des domestiques, une cuisinière, une femme de chambre, un cocher, (les autos sont venues plus tard). […] Nous allions à Lambersart tous les 15 jours, chez M. Bonte, le père de Mme Spriet, qui habitait un beau château, avec un immense parc et beaucoup de personnel. C’est dans le luxe que j’ai appris la simplicité d’une vie vraie, où chacun trouvait sa place en restant lui-même. Les domestiques, comme les maîtres, étaient accueillants et dignes. M’occupant des enfants, je vivais avec eux, près de leurs parents. On me servait, sans jamais me faire sentir que j’aurais pu le faire, et le cocher attelait ses chevaux pour aller me conduire à Lille pour faire quelques courses. Il portait mes paquets, toujours avec gentillesse et avec correction.

M. Bonte, ayant été député, et donc très connu, donnait de grands dîners ; c’était fastueux ; c’était toujours le soir. Cela me faisait penser à la cour de Versailles, tout était illuminé, beaucoup de serveurs en habits et gants blancs, tous les plats en argent, la porcelaine de Chine, le cristal étaient sortis.

Les voitures arrivaient ; la concierge prévenait par un coup de cloche et les invités défilaient en grande tenue dans l’immense vestibule, où se trouvaient toutes les portes des salons et des salles à manger. Première réunion au billard, et ensuite, l’un des serveurs annonçait : « M. X donnera le bras à Mme Y » et tous se mettaient à table, et tard dans la nuit, on annonçait « la voiture de Monsieur et Madame Untel est avancée ». Et la petite bretonne que j’étais trouvait cela tout naturel, sans envier qui que ce soit. J’en garde encore un agréable souvenir en trouvant que la vie m’a donné un plus grand bonheur. (1)

Château de Lambersart, propriété de M. Auguste BONTE

Jeanne demeurera sept ans au service des SPRIET, dont pendant la guerre où elle et Mme SPRIET ont dû déménager 27 fois avec les enfants (le mari et père, était alors mobilisé)  : Le Tréport, puis Ruffec en Charente, puis Jarnac, Saint-Cloud, Versailles, Lille, etc. Elle restera toujours très unie avec Mme SPRIET et les 6 enfants qui sont souvent venus la voir dans les Landes.

(1) extrait du premier cahier écrit par Jeanne en 1980 à Banos.

Voir aussi la Photothèque des personnes et des lieux

GICQUEL Jeanne, née en 1894 à Plémy (22), dcd en 1983 à Banos (40), fille de Mathurin François et de AGAR Victorine Anne , Conjoint : MORIN Louis, né en 1891 à Ploeuc-sur-Lié (22), dcd en 1973 à Banos (40), mariés le 15 décembre 1918 à Plémy (22), 3 enfants.  

Sources : Toinard, Roger, Du trou noir à l’embellie ou l’histoire de l’émigration costarmoricaine de la Révolution à nos jours, sl, 2012, 438 p.

A lire : Donatienne de René Bazin, publié en 1903, qui parle de la -triste- destinée d’une mère de famille de Ploeuc partie se placer comme nourrice à la ville pour aider financièrement sa famille




Lui, Louis, notre poilu…

Quand l’armistice est signée le 11 novembre 1918, il a 27 ans et il ronge son frein… il est en effet cloué au lit à l’hôpital de Mamers dans la Sarthe à cause d’une méchante blessure. Or trois jours auparavant, il a reçu sa permission pour pouvoir rejoindre sa fiancée et se marier. Et il a hâte !…. Alors bien sûr, ce 11 novembre, au moment de l’annonce du cessez-le-feu à 11h, il participe aussi à la liesse populaire au son des cloches et des clairons. Il y a de quoi ! La guerre a fait en France plus d’1,4 millions de morts, dont un tiers de ceux qui avaient entre 19 et 22 ans en 1914. C’est son cas, mais lui, même s’il est blessé, est au moins vivant. Il se demande bien par quel miracle… Même si sa foi lui suggère que Dieu a quelque chose à voir là-dedans… En tout cas, malgré le désarroi qui l’assaille immanquablement, il est loin d’estimer –comme le feront sans doute ses petits-enfants ou arrière-petits-enfants plus tard- que si Dieu existait il n’aurait pas permis une pareille hécatombe…

Pour lui (ou Louis, puisque c’est son prénom), cela marque l’espoir d’en finir avec 6 années d’engagement militaire car en 1914, quand la guerre éclate, il était déjà depuis 2 ans sous les drapeaux … pas de pot !

6 années, 6 longues années (+1 comme nous le verrons plus loin), dont 4 sacrifiées totalement à la  guerre, il faut essayer d’imaginer ce que cela représente pour un jeune, on leur doit au moins ça à nos ancêtres : tenter quelques minutes de se mettre à leur place. On te fait rentrer de force dans un tunnel à 20 ans et avec de la chance, tu en ressors à 27 ans, au mieux atterré, au pire complètement cassé ou maboul. Il a beau avoir été élevé dans un esprit patriotique (« servir son pays est un devoir et un honneur » est une des phrases de propagande largement diffusée à l’école), il n’en reste pas moins qu’à un certain moment, notre ancêtre Louis a certainement eu des doutes et pressenti que lui, comme tous ses compatriotes, étaient envoyés au casse-pipe, ni plus, ni moins. D’autant que cette foutue (ça c’est moi qui le dis, pas lui Louis!) guerre, il a eu l’occasion de l’expérimenter non seulement  dans ses tripes, mais aussi dans sa peau. Il gardera dans la jambe des débris de grenades qui le feront souffrir toute sa vie et dans la tête bien des images atroces qu’il taira, voulant sans aucun doute préserver ses enfants, puis ses petits-enfants. C’était un taiseux bienveillant et attentif, comme on en fait plus.

Et ce 11 novembre, jour d’armistice, il ne peut s’empêcher de faire un travelling arrière : en août 1914, il est parti comme beaucoup de jeunes bretons appartenant au 47ème régiment d’infanterie de St Malo, non la fleur au fusil comme cela a été dit (eh oui, il fallait l’entretenir cette flamme patriotique !), mais bien certainement avec la peur au ventre. Il est alors dirigé vers l’endroit où on a le plus besoin de chair fraîche : plouf, plouf… ça sera l’Aisne où se joue une belle vraie grande bataille… histoire de le mettre en jambe. En l’occurrence, c’est son bras qui sera  touché par une balle fin août. Mais qu’à cela ne tienne, après un repos réglementaire,   il repart « comme volontaire » -cette indication trouvée dans ses états de service me laisse dubitative, le document ne donnant pas de précision sur les circonstances dans lesquelles s’exerçait ce libre choix-  vers le front, du côté d’Arras… où il est à nouveau blessé en novembre… au bras gauche cette fois.  On pourrait se dire qu’il le fait exprès notre petit Louis, qu’il s’inflige des mutilations pour le coup vraiment volontaires, comme de nombreux camarades de tranchées pensant se soustraire au combat…  sauf que non, pas du tout, car cette fois, il aurait pu y perdre la vie –et celle de ses descendants par la même occasion- s’il n’avait eu dans son portefeuille une médaille de la Vierge Marie (encore merci mon Dieu !)  qui dévia la balle de la trajectoire du coeur. Donc, évacuation puis 3 mois de soins à Bordeaux, et… et… ? suspens…

Et bien hop ! on y retourne… oyé oyé !  En 1915, le front, la patrie, le champ d’honneur, et plus tard les monuments aux morts, ont besoin de toujours plus de soldats, volontaires ou non, jeunes ou moins jeunes. Peu importe ! l’histoire, elle, ne retiendra pas grand-chose de cette jeunesse torpillée et de ces familles décimées. De toute façon, ces jeunes soldats, ils n’ont pas le choix : s’ils refusent d’aller au combat,  ils passent en conseil disciplinaire. Et certains, pour l’exemple, sont même fusillés sur le champ (pas d’honneur, celui-là !).

Donc, comme dit : pas le choix… (ou si je voulais user d’un mauvais jeu de mots : pas de bras… pas de chocolat…), il repart pour participer aux batailles de Champagne (septembre-octobre 1915) de la Somme et de Verdun (1916). Bref, il les a a peu près toutes faites… Alors oui, c’est vrai, il obtient à cette occasion une citation relevant ses actes de bravoure, ainsi que la Croix de Guerre, mais qu’est ce qu’une citation et une croix à côté du miracle d’être toujours vivant ? Son meilleur ami, Mathurin GICQUEL, frère de sa future, avec lequel il a passé toute son enfance,  n’a pas eu cette chance : il est mort à Assevillers en Picardie le 5 septembre 1916, à l’âge de 29 ans. Mais attention : mort pour la France !!! Quand il l’a appris, cela a dû lui faire un sacré choc à notre petit Louis et entraîner un peu plus vers le bas le curseur du patriotisme.

Pour lui,  ça n’est pas fini : en juillet 1917, il est envoyé à Epinal, non pour recevoir une belle image, mais pour suivre un cours de Chef de Section. Puis, fort de ce titre,   il rejoint un nouveau régiment qui intervient … devinez où ?…  à Verdun ! Mais quelle chance il a d’y retourner !!! Mais comme on dit : quand on aime… on ne compte pas, et surtout pas pour grand chose… C’est là qu’il est blessé par une grenade à la jambe gauche lors d’une attaque dans le bois de Lassigny, dans l’Oise. Quand on voit le bilan des courses là-bas (villages complètement détruits, routes défoncées, population décimée), on se demande comment certains, dont il fait partie, ont pu en réchapper…

C’est ainsi qu’en ce 11 novembre, il se retrouve dans une chambre d’hôpital dans la Sarthe… La boucle est alors bouclée (facile à dire quand on ne fait que relater 7 ans d’une vie d’un ton léger…), on imagine avec quel soulagement ! et certainement avec un « plus jamais ça » qui lui étreint le cœur… Il a dû y croire mordicus, on ne retourne pas deux fois en enfer ! Le 12 décembre 1918, il partira dans les Côtes d’Armor pour se marier, sa permission étant valable jusqu’au 13 janvier 1919 (waouh ! un congé de ouf !!!). Il retournera ensuite à Limoges et c’est seulement en août 1919, après 7 ans dans l’armée !, qu’il sera enfin démobilisé… A ce moment là, il est loin d’imaginer que 20 ans plus tard, ils seraient à nouveau rattrapés par la guerre, lui, son épouse et leurs 3 enfants…

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MORIN Louis, né en 1891 à Ploeuc-sur-Lié (22), dcd en 1973 à Banos (40), fils de Jean et de LECOUTURIER Mathurine, Conjoint : GICQUEL Jeanne, née en 1894 à Plémy (22), dcd en 1983 à Banos (40), mariés le 15 décembre 1918 à Plémy (22), 3 enfants.  




18 ans… le bel âge ?

Elle a 18 ans, le bel âge, dit-on… C’est une adolescente, vivante, joyeuse, impliquée… Ce 18 mai 1940, avec sa maman,  elle fait un dernier tour de la maison. Le reste de la famille, son frère, 17 ans, sa sœur, 12 ans, et son père sont déjà en bas, avec les valises. Elle voudrait retenir la course du temps, avoir encore quelques heures pour s’imprégner du souvenir des instants d’exception vécus dans cette maison. Les parties de cache-cache avec les petits, les conciliabules secrets avec son amie Jacqueline GUILBERT,  les repas pris en famille dans le grand salon… Elle sait, elle sent déjà que rien ne sera plus comme avant.  Tout est allé trop vite en quelques mois. Elle jette un ultime regard sur tous les chers objets qui composent sa chambre, témoins de ses premières déceptions comme de ses premières espérances… C’est là aussi qu’elle a décidé la veille de commencer un journal intime qui la suivra dans ce périple singulier les menant, elle et sa famille, du nord au sud-ouest de la France… 



MORIN Marie-Louise, née en 1920 à Loos-lez-Lille (59), dcd en 2016 à Madagascar, fille de Louis (GPM) et de GICQUEL Jeanne (GMM) – pas de conjoint

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Une fine mouche !

Elle a onze ans. Sa famille et ses amis l’appellent Mouche, peut être à cause du minuscule grain de beauté qu’elle porte au cou et qui à l’âge adulte agrémentera très élégamment son décolleté ? Plus vraisemblablement en sa qualité de petite dernière dotée d’une belle vivacité… Une fine mouche en vérité.

Son prénom « officiel », elle le tient d’une sainte très populaire. Elles ont toutes deux en commun un caractère joyeux mais bien trempé, et une grande sensibilité. Car, en bons bretons qui se respectent, ses parents sont catholiques pratiquants. Pas du genre à coasser dans les bénitiers, non ! De nos jours, on dirait plutôt : « catholiques militants » tant ils vivent leur foi au quotidien, de manière engagée et responsable, à l’image de l’abbé Paul Six (1), figure emblématique des premiers prêtres ouvriers, qui vient souvent leur rendre visite.

« Au Boulevard » (2), la porte est toujours ouverte, la maison toujours pleine ; l’assiette du pauvre est là, accompagnée souvent du pauvre qui va avec. On ne compte plus le nombre d’occasions où les parents ont été pris en flagrant délit de bonne action… à en faire pâlir un chef de patrouille scout ! Un frère bien démuni face à la maladie de sa femme ? qu’à cela ne tienne, on reçoit deux de ses enfants en pension durant trois ans. Des amis dont le père, divorcé, est empêché de voir ses quatre enfants ? Qu’il vienne donc exercer son droit de visite hebdomadaire à la maison…

D’ailleurs, des enfants, il y en a toujours partout… et tout le temps… Le groupe de base est constitué par les trois Morin, formant des couples avec les quatre GUILBERT, Marie-Louise avec Jacqueline, Jean avec Georges et le petit Jean, et Thérèse avec Mimie. Toutes les vacances, tous les congés, ils les passaient ensemble. Un groupe auquel viennent se greffer les cousins ou les enfants de passage. Tout ce joli monde s’égaie dans le jardin, immense (un jardin ouvrier comprenant une dizaine de parcelles), arpente les allées en vélo, se déguise, invente des pièces de théâtre, les plus grands s’occupant des petits. Les joies des jeux en bande elle connait, raison pour laquelle elle aura tant de plaisir à voir ses enfants, puis ses petits-enfants plus tard, renouer avec cette pratique collective.

Très souvent, ils ont la visite de l’abbé Jean (3), un prêtre plein d’enthousiasme et de joie de vivre, inventant des jeux, jouant au foot et apportant avec lui des films de Charlie Chaplin.

A quoi pense t’on quand on est une petite fille de onze ans ? aux fous rires et aux parties de glissades dans les escaliers bien cirés, partagés avec le frère, la sœur, mais aussi le papa, complice des nombreuses extravagances de ses enfants ? Aux instants d’exception passés avec la grande amie Mimie, des difficultés à se quitter en fin de journée occasionnant de multiples aller-retour entre les deux maisons, l’une raccompagnant l’autre, qui raccompagne l’une, etc. etc. ? Au chat Noirou, qui chaque jour escorte jusqu’au portail le papa partant en vélo au travail, et qui va se poster pour l’attendre au même endroit dix minutes avant son retour ? Aux immenses parties de cache-cache avec la « bande » dans la maison château que possède la famille GUILBERT ? et au plaisir un peu bravache de passer entre les jambes du grand-père, Georges POTIE, député-maire de la ville, et de se poursuivre dans le grand parc, sous le regard amusé des employés de maison ?

Oui sans doute qu’elle pense à tout ça, la petite Mouche. Et certainement à bien d’autres choses. Car de tels bons souvenirs permettent à l’enfant qu’elle est de tenir à distance les mauvaises nouvelles qui envahissent son quotidien : l’Allemagne nazie qui gagne du terrain ; le masque à gaz qu’elle doit emmener partout, même à l’école. L’incertitude qui grandit chassant chaque jour les derniers résidus d’insouciance. Elle sent l’inquiétude de ses parents, de sa sœur aînée, qui hier soir ont préparé les bagages… au cas où… Partir oui, quitter Loos, la maison du Boulevard, demain… 18 mai 1840… fuir les bombardements, les alertes, mais dans quelle direction ? et avec quel moyen de locomotion ?
Celle qui n’a que onze ans a forcément peur, mais elle ne le dit pas, ne voulant pas rajouter des peines supplémentaires à sa famille. Elle aimerait tant pouvoir partager ses craintes avec sa grande amie Mimie. Et dans ces moments, elle lui en veut de l’avoir abandonnée, emportée un an 1/2 plus tôt par la pneumonie…

(1) abbé Paul Six (1860-1936) (2) 61 Boulevard de la République à Loos (59) (3) abbé Jean Tack, aumônier à Loos-lez-Lille

MORIN Thérèse née en 1927 à Loos-lez-Lille (59), dcd en 2009, fille de Louis (GPM) et de GICQUEL Jeanne (GMM) – conjoint : MAÎTRE Bernard, 3 enfants

En savoir plus :

  • Chaline Nadine-Josette. Le catholicisme social dans le Nord au début du XXe siècle. In: Revue du Nord, tome 73, n°290-291, Avril-septembre 1991. Cent ans de catholicisme social dans la région du Nord. Actes du colloque de Lille, 7 et 8 décembre 1990. pp. 305-314. DOI : https://doi.org/10.3406/rnord.1991.4640