La poisse…

Dans l’introduction de cette rubrique, j’ai parlé des petits cailloux que le généalogiste ne manque pas de trouver sur son parcours, comme autant de petits désagréments qui l’enquiquinent mais sans lesquels la généalogie ne serait pas ce qu’elle est.  Car même en présence de ces cailloux, on arrive toujours à avancer d’une manière ou d’une autre en explorant d’autres facettes de la vie de l’ancêtre concerné (militaire, professionnelle, etc.).

En cas de blocage et en ce qui concerne les générations les plus récentes, on fait appel aussi à la mémoire familiale, on se replonge dans les vieux papiers à l’affût du moindre indice qui finit bien par émerger.  Car au fil du temps,  le généalogiste développe une sensibilité accrue aux indices, même –surtout !- les plus insignifiants. Dans l’histoire familiale, il y a souvent des convergences de lieux, de professions,  de personnes qui sont parlantes. On apprend à les repérer, voire même à les pister. Finalement, c’est toujours une affaire de petits cailloux, qui, cette fois, montrent le chemin…

Tout cela pour dire qu’il est rare de rester bloqué sur une même personne très longtemps.

Pourtant, au bout de 7 années de recherches tous azimuts, j’ai l’impression de ne pas avoir beaucoup avancé sur un aïeul qu’il me tient pourtant à cœur de sortir de l’ombre : je veux parler de notre grand-père paternel.

A croire que la malchance nous poursuit même après la mort… Car le moins qu’on puisse dire, c’est que notre grand-père n’a déjà pas eu un début de vie facile. J’aurais l’occasion de détailler ce que j’en connais dans un prochain article mais pour faire bref : né en 1893 et enfant d’une famille nombreuse, Louis Lucien Raymond MAÎTRE a perdu son père, ainsi que ses 7 frères et sœurs, alors qu’il était encore enfant. En 1910, après le décès de son frère aîné, il s’est retrouvé seul  à 17 ans, avec sa mère et sa grand-mère qu’il ne pouvait pas aider aux travaux de la ferme du fait d’un handicap : il est né en effet avec une malformation qui a conduit à l’âge adulte à l’amputation de sa jambe droite. Vous conviendrez qu’on a connu plus joyeux comme début de vie…

Malgré cela,  il a gravi les échelons et il est devenu professeur de lettres anciennes (latin-grec)  à l’Institution Saint-Jean, Square Castan,  à Besançon. Ce qui n’est pas rien pour lui qui venait d’un milieu très modeste, où on était agriculteur de père en fils. Il a épousé celle qui est devenue notre grand-mère et qui, veuve,  était déjà  mère de deux enfants. Ils eurent ensemble 3 garçons, dont notre père… 

Pour des raisons encore floues –mais qui s’éclaircissent au fil de mes recherches -, notre grand-père s’est donné la mort en mars 1957 à une époque où le suicide était encore très mal vu. Suite à cela une sorte de  chape d’oubli a recouvert non seulement sa mort, mais aussi l’ensemble de sa vie.

Le fait de n’avoir plus aucune famille au moment de son mariage (sa mère est décédée alors qu’il avait 27 ans) avait déjà enlevé pas mal d’opportunités de transmission familiale. Même quand les parents sont décédés, la transmission passe en effet parfois par des tantes ou des oncles, des cousins ou cousines, qui là n’existaient pas. Les circonstances de son décès ont fait le reste : aucune information n’est arrivée jusqu’à nous, ses petits-enfants, quant à ses origines, aux évènements qui ont jalonnés sa vie, à sa vie professionnelle, etc. … Comme s’il n’avait existé qu’en pointillé…

Certes, les recherches dans les archives de l’état-civil ont permis de retrouver les dates des principaux évènements et de découvrir l’existence –insoupçonnée- d’une famille nombreuse. On a pu identifier les décès successifs du père,  des 4 frères et des 3 sœurs. Avec les recensements, on arrive à localiser le jeune homme et sa famille à Brainans, puis beaucoup plus tard, seul à Besançon. Le registre matricule de Raymond trouvé dans les archives militaires nous apprend aussi qu’en 1917 il n’était pas encore amputé, mais qu’il a été exempté du fait d’une ankylose complète de la jambe droite

Mais pour moi, ça n’est pas suffisant pour prétendre connaître son aïeul. D’autant que ces quelques résultats entraînent d’autres questions : pourquoi tant de décès dans la même famille ? quelle était l’origine de son handicap ? à quel moment et en quelle occasion a t’il dû se faire amputer ? Dans quel hôpital ? qui a payé ses études ? où est-il allé étudier ? qui était son tuteur ?

Pour effectuer ces recherches, j’ai  déployé les grands moyens et actionné tous les canaux d’informations possibles et imaginables. J’ai consulté ou interrogé   les AD39, les AD25, les archives municipales à Dole et à  Poligny, les archives diocésaines de Besançon, celles de Poligny et enfin la Direction de l’enseignement catholique de Franche-Comté.

Alors oui,  j’ai quand même eu quelques pistes, mais les résultats finaux ne sont en tout cas pas à la hauteur des efforts consentis.  Surtout :  j’ai l’impression que le sort s’acharne sur ce pauvre grand-père déjà malchanceux, en faisant mystérieusement disparaître les archives le concernant. Jugez-en plutôt :

Les listes des élèves de l’école du village (Brainans, dans le Jura) sont introuvables pour les années qui nous intéressent (elles ne sont plus à la mairie, mais pas non plus aux AD39). Rien ne permet donc de confirmer que Raymond MAÎTRE a fréquenté l’école du village. C’est probable mais pas sûr à 100 %.

Concernant sa prise en charge et/ou mise sous tutelle après le décès de son père (Raymond avait alors 8 ans), il existe ce qu’on appelle un conseil de famille établi par le Juge de paix de Poligny qui statue sur ce type de dispositions. J’ai la date et les références de ce document (trouvées dans un acte notarié aux AD39). Malheureusement, on a une lacune chronologique dans les documents de la période concernée, autrement dit : les documents ont été perdus, à moins qu’ils ne soient encore dans un fonds non inventorié des archives communales de Poligny. La demande est en cours mais sans grand espoir qu’elle n’aboutisse.

Pour le collège et le lycée : la mémoire familiale retient que Raymond a fait ses études chez les jésuites. Mais impossible de savoir où exactement : à un moment,  j’avais pensé qu’il avait pu être envoyé au Collège de l’Arc à Dole, car il y a là une maison des orphelins (Raymond ayant perdu son père était considéré comme orphelin). De plus, le collège a été tenu par les jésuites  jusqu’à la moitié du 18ème siècle et  préparait les élèves depuis les petites classes jusqu’au baccalauréat. Raymond aurait pu ainsi y avoir passé toute sa scolarité… Malheureusement, il n’apparait ni sur les listes nominatives des enfants de la maison des orphelins, ni sur les documents liés à l’assistance publique. On peut donc considérer qu’il n’était pas à Dole.

Il m’a été suggéré de regarder du côté de Poligny ; après l’école primaire (vers 12-13 ans), les rares enfants de Brainans qui continuaient leurs études étaient en effet envoyés soit au collège de Poligny soit au Petit Séminaire de Vaux-sur-Poligny.   Les AD39 possèdent peu d’archives du collège (quelques remises de prix et des palmarès) et Raymond n’y est pas mentionné, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il n’y était pas scolarisé.

En ce qui concerne le Petit Séminaire de Vaux-sur-Poligny, l’archiviste du diocèse m’a appris  que les registres se trouvent bien  à Poligny, mais qu’ils n’ont pas encore été inventoriés. Donc non consultables pour le moment… De plus, pour corser un peu plus l’affaire, on m’a fait remarquer que la période où Raymond aurait fréquenté le collège coïncidait avec les persécutions religieuses de 1903-1906 au cours desquelles de nombreuses écoles ont été fermées par le gouvernement (Vaux-sur-Poligny ferme ainsi  en 1907)…

A vrai dire, concernant son parcours scolaire, une seule information intéressante est ressortie de sa fiche matricule (militaire) : Raymond a joué les prolongations à l’école car encore en 1913, soit à l’âge de 20 ans,  il était dit étudiant secondaire domicilié à Brainans.

A l’Université, les choses s’éclairent un peu (côté archives, je veux dire) : les AD25 nous apprennent qu’il s’est inscrit tardivement en licence de philosophie (immatriculation en juin 1922), puis en licence d’histoire (ancienne), qu’il obtient en 1926. Mais aucun dossier d’étudiant le concernant n’est retrouvé. Impossible donc de savoir de quelle école il venait.

Côté professionnel, c’est pour l’instant l’impasse : en principe, les enseignants ont tous un dossier de carrière qui contiennent des informations sur leur parcours scolaire et leur vie familiale. Or, dans notre affaire,  impossible de mettre la main dessus : les AD25 ne conservent que les dossiers des enseignants du public ;  les Archives du diocèse de Besançon n’ont rien sur le personnel de l’institution St-Jean ; la Direction de l’enseignement catholique de Franche-Comté non plus. Bref… on ne sait pas où sont passées ces archives et à vrai dire, je crois que cela ne pose de problèmes à personne, sauf à moi-même.

Voilà donc où on en est… je ne désespère pas un jour de tirer un fil, LE fil,  qui me permettra de remonter la pelote mais pour l’instant, à  chaque coup d’essai, il me vient plutôt l’image du savon qu’on croit saisir et qui toujours nous échappe…

MAÎTRE Louis Lucien Raymond (GP), né en 1893 à Brainans (39), dcd en 1957, fils de Aldegrin Jean Marie (AGPP) et de MARTINEZ Julie Françoise  (AGMP) – conjoint : AYMONIER Marie Rose Joséphine, 3 enfants

Voir aussi la photothèque – galerie de portraits




Recherches croisées franco-genevoises – Astuces

Pour mener au mieux des recherches de ce type et ne pas risquer de passer à côté d’informations importantes, voici une petite astuce : que ce soit pour les AEG ou les Archives départementales 73 ou 74, taper le nom de la commune recherchée en texte libre dans le formulaire de la base de données. Vous aurez ainsi connaissance de tous les fonds conservés concernant cette commune. Il peut être aussi judicieux d’interroger par patronymes car on peut parfois trouver des fonds d’archives privées ou des pièces d’archives isolées.

AEG : base de données ADHEMAR

Saisir le nom de la commune (ou le patronyme) dans la zone « Recherche par thème » dans Adhémar.

Archives départementales 74

Faire une recherche dans l’inventaire en tapant dans le formulaire des AD74  le nom de la commune recherchée (ou le patronyme). Le chemin d’accès au formulaire de recherche dans les inventaires est le suivant : Rechercher des documents > consulter les inventaires > Recherche simple




Recherches croisées franco-genevoises – Synthèse

Archives départementales de Haute-Savoie (74)

Archives départementales de Savoie (73)

Archives de l’Etat de Genève (AEG)

L’Association Savoie Paris CGS-PRP a aussi édité un guide très utile, comportant (à partir de la page 59) une liste des communes haut-savoyardes avec pour chacune d’elles les sources d’archives adaptées au lieu et à la période considérée, avec les cotes correspondantes (AD 73 ou AD 74), ainsi que le bureau de rattachement pour les recherches dans le tabellion.

Synthèse des sources


DépôtObjetDescriptionSérie / cote et accès
AD 74Comptes de châtellenies(1309-1586) - Comptes relevant des comtes de Genève (1325-1417, puis des ducs de Genevois-Nemours (début 16e siècle) - archives caméralesSérie SA
AD 74Diocèse de Genève(16ème-18ème s.) - Administration de l’évêché et l’histoire ecclésiastique de Genève - pièces isolées d'origine privéeSérie 1J
AD 74Capitation espagnole (1743-1749)- Rôle de la capitation pour les communes du Faucigny (selon délimitations de l’époque)
non numérisées - archives anciennes
Série 4C
Archives anciennes > Fonds de l’intendance du Faucigny > Série 4 C
AD 74Etat-civil de communes suisses (qui furent savoyardes)(1774-1780, sauf mention contraire)
Hermance (1662-1815), Présinge (1742-1795), Onex, Meinier, Lancy, Colligny (1773-1777), Confignon, Compesières, Collonge-Bellerive, Choulex, Chêne-Thonex, Bernex, Avusy, Aire-la-Ville, Carouge (1780)
Série 4E
AD 74Enregistrement( 1792-1817)- Fonds du bureau de l’enregistrement de Carouge (ancienne capitale sarde)série 3Q
cote 3 Q 3857-3950
AD 74Tabellion d’Ancien Régime(jusqu'en 1798) - Fonds du tabellion d’Ancien Régime du Bureau de Douvaine (dont communes suisses dépendant de Douvaine)série 6C
AD 74Hypothèques(1812) - Fonds de la conservation des hypothèques de Genève-Carougesérie 4Q
AD 74Tabellion sarde(1814-1861) - Fonds du tabellion sarde (dont communes suisses)cote 8 FS 1
AD 74Hypothèques sardes(1823-1955) - Fonds de la Conservation des hypothèques sardes de Carouge (dont communes suisses)cote 8 FS 2
AEGFiefs de la seigneurie(1200-1798) - Reconnaissances de fiefs (dont territoire frontalier) - Voir aussi l’inventaire du fonds car certains documents ne sont pas numériséscotes : Titres et droits
Documents numérisés > Titres et droits
AEGFiches des baptêmes des communes réunies (1599-1798) - Fiches des baptêmes des communes réunies servant de répertoirecotes : E.C. rép. 1.87.1 à 1.87.8
Documents numérisés > Répertoire de l’état-civil
AEGTabellion de Saint-Julien et Carouge( 1697-1793) - Registres du tabellion de Saint-Julien et Carouge : 7 volumes, par ordre alphabétique de patronymes – contient les actes insinués par les notaires de quelques paroisses françaises frontalièresCotes : Archives A 105.1 à A 105.7
Documents numérisés > Inventaire
AEGTabellion de Saint-Julien (juillet 1777 à juin 1778) - Registre des actes de notaires insinués au tabellion de Saint-Julien (dont communes françaises) : 2 volumesCotes : Tabellion 109 et Tabellion 110
Documents numérisés > Notaires et tabellions 
AEGArchives du Département du Léman (1798-1814) - Fonds Archives du Département du Léman couvrant la période où Genève en fut le chef-lieu, non numérisé. Contient 58 séries - Voir contenu dans le plan de classement. cotes : ADL
AD 73Comptes de châtellenies(1401-1417) - Comptes des châtellenies relevant des comtes puis ducs de Savoie, y compris ceux du comté de Genève de 1401 à 1417 (période où le comte de Savoie est en possession du Genevois). Accès aux comptes numérisés grâce à un index des châtellenies
AD 73Gabelle du sel et don gratuit(1561-1564) - Dénombrements de la population en lien avec la gabelle du sel et le don gratuit – Pour les bailliages de Gex, Ternier-Gaillard et Chablais. Le rôle de Gex de 1576 est aux AD de Côte d’Or. On trouve aussi les dénombrements des anciennes communes réunies du Canton de Genèvehttp://archives-en-ligne.savoie.fr/dossiers_sabaudia/don-gratuit/scientifique3.php
AD 73Capitation espagnole (1743-1749) - Rôles de la capitation pour les communes qui faisaient partie de la Savoie - archives anciennes – pas de documents numérisés mais plusieurs inventaires ont été établis Série C (5008-5036)
Index des noms de lieux, personnes et matières : ici
AD 73Judicature-mage de Carouge, de Ternier-Gaillard, du Genevois, de Chablais, de Faucigny(1424-1792) - Procédures criminelles et civiles, appels et directes relevant de différentes judicatures-mages de Savoie dont Carouge, Ternier-Gaillard et Genevois (fin 18ème) Série 2B
Inventaire détaillé : ici

n.b. ce tableau n’est pas exhaustif. Il comporte peut être aussi des erreurs ou des imprécisions. Il s’agit d’un travail “in progress”, Les potentialités d’amélioration sont donc importantes…




Recherches croisées franco-genevoises – Partie IV

Ce sujet (recherches franco-genevoises croisées) est divisé en plusieurs parties : 4 articles sont consacrés à la contextualisation, traitant chacun d’une période-clé de l’histoire locale. On trouvera néanmoins  à la fin de l’article, une rapide évocation des sources généalogiques relatives à la période donnée. Le dernier article (partie V) est un récapitulatif -sous forme de tableau- des différentes sources pouvant être utiles dans le cadre de recherches croisées Savoie/Canton de Genève.

La Province de Carouge avec et sans Carouge (1780-1837)

La province de Carouge est l’une des circonscriptions du duché de Savoie. Elle a été constituée par les autorités sardes — Victor-Amédée II de Savoie —afin de concurrencer l’essor de la ville de Genève, en 1780. Carouge devient le siège d’une intendance et le siège d’un juge-mage, transféré depuis Saint-Julien-en-Genevois.

Lors de l’annexion du duché de Savoie par la Convention nationale en 1792, la province de Carouge intègre le nouveau département du Mont-Blanc et est réorganisée en district de Carouge, composée de 8 cantons. En 1798, l’ensemble du territoire est attaché au nouveau département du Léman, dont Genève devient le chef-lieu.


RégionsCommunes
Chablais savoyard Veigy, Vinzier
GenevoisAndilly, Arcine, Bassy et Verrens, Bans, Cercier, Cernex, Challonges, Chaumont, Chavannaz, Chêne, Chessenaz, Chevrier-en-Vuache, Clarafond, Contamine, Copponex, Cruseilles, Dingy-en-Vuache, Eloise, Epagny-de-Chaumont, Etrembières, Franclens, Frangy, Jonzier, Marlioz, Minzier, Monnetier-Mornex, Musiège, Présilly, Saint-Blaise, Saint-Germain, Saint-Jean-de-Chaumont, Sallenove, Savigny, Usinens, Vanzy, Vovray et Vulbens
FaucignyAnnemasse, Monthoux et Vétraz

En mars 1816, la commune de Carouge est rattachée à Genève et à la Confédération lors du Traité de Turin. Elle ne fait donc plus partie de la Province de Carouge, mais l’appellation reste et Saint-Julien devient le chef-lieu de la Province de Carouge… De plus, 23 communes qui faisaient partie de la Savoie deviennent suisses. Il s’agit de : Onex, Confignon, Aire-la-Ville, Avusy, Laconnex, Soral, Bardonnex, Plan-les-Ouates, Carouge, Veyrier, Troinex, Lancy, Bernex, Chêne-Bourg et Thônex (ex nord-Genevois), ainsi que Présinge, Puplinge, Meinier, Choulex, Corsier, Anières, Collonge-Bellerive et Hermance (ex-bas-Chablais).


MandementsDate de rattachementCommunes
Reignier 1816-1837Arbusigny, Ésery, Esserts, Monnetier-Mornex, La Muraz, Pers-Jussy, Reignier, Saint-Romain, Le Sappey, Scientrier (+) Fillinges en 1818
Saint-Julien1816-1837Andilly, Beaumont, Bossey (et une portion de Veyrier), Cernex, Chaumont, Chavannaz, Chênex, Chevrier, Collonges-Archamps, Contamine-en-Genevois, Copponex, Cruseilles, Dingy-en-Vuache, Épagny, Feigères, Frangy, Jonzier, Marlioz, Minzier, Musièges, Neydens, Présilly, Saint-Blaise, Saint-Julien, Savigny, Thairy, Valleiry, Vers, Viry, Vulbens (-) Collonges-Archamps en 1818
Annemasse1816-1837Ambilly, Annemasse, Arthaz-Pont-Notre-Dame, Bonne, Cranves-Sales, Fillinges*, Juvigny, Loëx, Lucinges, Étrembières, Gaillard, Machilly, Marcellaz*, Nangy*, Saint-Cergues, Vétraz-Monthoux, Veigy-Foncenex, Ville-la-Grand
(-) Fillinges, Marcellaz et Nangy en 1818 (+) Collonges-Archamps en 1818
Seyssel1818-1837Arcine, Bassy, Challonges, Chêne-en-Semine, Chessenaz, Chilly, Clarafond, Clermont, Desingy, Droisy, Éloise, Franclens, Menthonnex-sous-Clermont, Saint-Germain, Seyssel, Usinens, Vanzy

La Province de Carouge est supprimée en 1837 et partagée entre les provinces du Genevois et du Faucigny

Survol des ressources généalogiques

Aux Archives d’Etat de Genève (AEG), on trouve les registres du tabellion de Saint-Julien et Carouge pour la période 1697-1793 avec les actes insinués de communes françaises frontalières, ainsi qu’un Fonds des Archives du Département du Léman couvrant la période 1798-1814.

Les AD 74 conservent l’état-civil de certaines communes suisses pour la période 1774-1780, un Fonds de la Conservation des hypothèques sardes de Carouge (1823-1955), et un fonds du bureau de l’enregistrement de Carouge (1792-1817)

Aux AD 73, on peut trouver les  procédures criminelles et civiles, appels et directes, relevant de la judicature-mage de Carouge, de celle de Ternier-Gaillard ou de celle du Genevois (fin 18ème)

Sources bibliographiques (contexte historique)

Wikipedia (Etats de Savoie, Comté de Genève, Diocèse de Genève, bailliage de Ternier, Province de Carouge) / Dictionnaire Historique de la Suisse / Sources du site généalogique de la famille Mégard, notamment sur le bailliage de Ternier.




Recherches croisées franco-genevoises – Partie III

Ce sujet (recherches franco-genevoises croisées) est divisé en plusieurs parties : 4 articles sont consacrés à la contextualisation, traitant chacun d’une période-clé de l’histoire locale. On trouvera néanmoins  à la fin de l’article, une rapide évocation des sources généalogiques relatives à la période donnée. Le dernier article (partie V) est un récapitulatif -sous forme de tableau- des différentes sources pouvant être utiles dans le cadre de recherches croisées Savoie/Canton de Genève.

L’occupation espagnole et son système de capitation (1742-1749)

Suite à l’alliance entre le Roi Charles Emmanuel III et l’impératrice Marie Thérèse d’Autriche, la Savoie sera occupée par les troupes espagnoles, qui s’en serviront de base de ravitaillement et de zone de repos.
Les occupants vont avec rigueur et méthode taxer lourdement tous les foyers en plus de la taille habituelle. Les réquisitions seront également nombreuses pour subvenir aux besoins des troupes : logement, nourriture, main d’œuvre, chevaux, paille et fourrage…

La capitation (impôt par tête) est aussi mise en œuvre. Cela implique de dénombrer avec exactitude la population par paroisse, village, feu (foyer) et  tête. Sont répertoriées toutes les couches de la société : les nobles, les notables, le clergé, les artisans, les commerçants, les paysans (laboureurs), les absents, les mendiants et les pauvres. Ce recensement, bien qu’établi de manière non uniforme, est une source précieuse pour les généalogistes qui s’intéressent à cette période.

L’occupation espagnole prendra fin en 1748, date à laquelle, par le Traité d’Aix-La-Chapelle, le Roi Charles Emmanuel III recouvrera la totalité de ses Provinces.

Survol des sources généalogiques

Les rôles de la capitation pour les communes qui faisaient partie de la Savoie se trouvent principalement dans les archives anciennes des AD73, en série C. Les documents ne sont pas numérisés mais plusieurs inventaires ont été établis.

Pour les communes du Faucigny (selon délimitations de l’époque), il faudra se tourner vers les AD 74, en série 4C. Documents non numérisés.

Sources bibliographiques (contexte historique)

Wikipedia (Etats de Savoie, Comté de Genève, Diocèse de Genève, bailliage de Ternier, Province de Carouge) / Dictionnaire Historique de la Suisse / Sources du site généalogique de la famille Mégard, notamment sur le bailliage de Ternier.




Recherches croisées franco-genevoises – Partie II

Ce sujet (Recherches franco-genevoises croisées) est divisé en plusieurs parties : 4 articles sont consacrés à la contextualisation, traitant chacun d’une période-clé de l’histoire locale. On trouvera néanmoins  à la fin de l’article, une rapide évocation des sources généalogiques relatives à la période donnée. Le dernier article (partie V) est un récapitulatif -sous forme de tableau- des différentes sources pouvant être utiles dans le cadre de recherches croisées Savoie/Canton de Genève.

L’occupation bernoise et les bailliages de Gex, Ternier-Gaillard et Thonon (1536-1567)

Début 1536, les Bernois, alliés de Genève, envahissent le Pays de Vaud, le Pays de Gex, les mandements de Ternier et Gaillard, et le Chablais (Thonon). Une nouvelle organisation s’instaure dans les pays nouvellement conquis : une trésorerie bernoise autonome est notamment créée. L’administration centrale s’installe à Lausanne et les territoires sont divisés en bailliages, dont ceux de Gex, Ternier-Gaillard et du Chablais (appelé aussi bailliage de Thonon). Pour celui de Ternier-Gaillard, une commission est nommée pour établir le nouveau régime. Un tribunal des moeurs appelé consistoire est établi aux portes de Genève, à Compesières, dont le château accueillera les 7 baillis qui se sont succédés durant cette période.

Guerres et occupations de 1536 à 1569

Source : Atlas historique du Pays de Genève : des Celtes au Grand Genève / Claude Barbier, Pierre-François Schwarz – La Salévienne, 2014

Situation après 1601

Source :  Atlas historique du Pays de Genève : des Celtes au Grand Genève / Claude Barbier, Pierre-François Schwarz – La Salévienne, 2014

Les baillis rendaient annuellement des comptes détaillés, comprenant les “censes et directes” (impôts), les “lods” (droits de mutation), les “amodiations” (locations), les appellations et amendes, le vin et le blé reçus, l’argent et le blé délivrés (aux ministres du culte et aux pauvres). (1)

Les bailliages de Gex, Ternier-Gaillard et du Chablais (Thonon) sont restitués à la Savoie en août 1567, suite à l’ultime ratification du traité de Lausanne signé le 30 octobre 1564 entre Berne et le duc (assorti d’une délimitation entre Gex et Vaud).

Non loin de là, la partie orientale du bailliage du Chablais (Evian) conquise en 1536 par les Valaisans est restituée en grande partie au duc par le traité de Thonon du 4 mars 1569.

Survol des sources généalogiques

On trouve aux AD 73 les dénombrements de la population en lien avec la gabelle du sel et le don gratuit (1561-1564) pour les bailliages de Gex, Ternier-Gaillard et du Chablais (rubrique Recensements de population). Des recensements de certaines communes du Canton de Genève se trouvent donc aussi dans ces documents (anciennes communes réunies)

Une source d’information très utile sur ces sources fiscales est à consulter sur Sabaudia

Sources bibliographiques (contexte historique)

Wikipedia (Etats de Savoie, Comté de Genève, Diocèse de Genève, bailliage de Ternier, Province de Carouge) / Dictionnaire Historique de la Suisse / Sources du site généalogique de la famille Mégard, notamment sur le bailliage de Ternier.


(1) Source : http://www.megard.ch/famille/public/sources_MM/EcritsBaillivaux.pdf




Recherches croisées franco-genevoises – Partie I

Ce sujet (recherches franco-genevoises croisées) est divisé en plusieurs parties : 4 articles sont consacrés à la contextualisation, traitant chacun d’une période-clé de l’histoire locale. On trouvera néanmoins  à la fin de l’article, une rapide évocation des sources généalogiques relatives à la période donnée. Le dernier article (partie V) est un récapitulatif -sous forme de tableau- des différentes sources pouvant être utiles dans le cadre de recherches croisées Savoie/Canton de Genève.

Diocèse de Genève et châtellenies de Savoie  (XIe-XVe s.) 

Du Vème siècle à l’an 1801, le diocèse de Genève dépend de l’archidiocèse de Vienne. Son territoire est vaste : il jouxte au nord les terres de l’abbaye de Saint-Claude, à l’ouest l’archidiocèse de Lyon, au sud, le diocèse de Grenoble et l’archidiocèse de Tarentaise, ainsi que les diocèses d’Aoste et de Sion.  A cela s’ajoutent la ville épiscopale (7 paroisses), son chapitre cathédral et ses couvents.

Sources: Helvetia Sacra, I/3, 1980; Encyclopédie de Genève, 5, 1986, p. 103 © 2005 DHS et Kohli cartographie, Berne.

Outre le pouvoir politique exercé par l’évêque de Genève, le diocèse de Genève développe une véritable emprise territoriale. Au XIème et au XIIème siècle, il fonde les monastères clunisiens de Saint-Victor et de Contamine-sur-Arve, les abbayes d’Abondance, de Peillonnex, Satigny, Sixt et d’Entremont, les couvents cisterciens de Bonmont, Hautecombe, Chézery, Saint-Jean-d’Aulps et Bellerive, et enfin les chartreuses d’Arvières, d’Oujon, de Vallon, du Reposoir, de Pomier et d’Aillon.

Le domaine propre (appelé aussi « temporel »)  de l’évêché s’étend également : construction au 13ème siècle du Château de l’Ile à Genève –repris peu de temps après par la Maison de Savoie- et des mandements de Jussy, Peney et Thiez.

La Maison de Savoie possède quant à elle un grand nombre de châtellenies, appelées aussi mandements, qui se regroupent en bailliages. En 1416, on compte pour la partie qui nous intéresse : les bailliages du Chablais (16 châtellenies, siège : Château de Chillon), du Faucigny (11 châtellenies, château de Chatillon), du Pays de Gex et du Genevois (Comté de Genève, château d’Annecy).

En 1439, le duc de Savoie Amédée VIII est élu pape et il en profite pour se réserver l’évêché de Genève en 1444 et en assurer le droit de présentation à ses descendants. L’évêché de Genève reste dans la dépendance de la maison de Savoie jusqu’à la Révolution, mais la réforme religieuse et politique de Genève conduit au départ de l’évêque en 1533 et à l’institution de la nouvelle Eglise réformée en mai 1536 par le Conseil général. Une réorganisation de l’ancien diocèse de Genève est entreprise dès la fin du 16ème siècle et Annecy prend peu à peu le rôle de nouvelle ville épiscopale.

Survol des sources généalogiques 

Pour la période du 12ème au 16ème siècle et pour les comptes de châtellenies, y compris pour le Comté de Genève, les archives sont divisées, en fonction du territoire, entre les Archives de la Savoie (AD73) et de la Haute-Savoie (AD74). Aux Archives de l’Etat de Genève, on peut trouver des reconnaissances de fiefs (y compris pour la Savoie) dans la série « Titres et droits ».

Sources bibliographiques (contexte historique)

Wikipedia (Etats de Savoie, Comté de Genève, Diocèse de Genève, bailliage de Ternier, Province de Carouge) / Dictionnaire Historique de la Suisse / Sources du site généalogique de la famille Mégard, notamment sur le bailliage de Ternier.




Recherches croisées franco-genevoises : introduction

Dans le cadre de ma formation à l’Université de Nîmes (D.U. Généalogie et Histoire des familles à distance – année 2019-2020), j’ai choisi d’étudier une des lignées de la  branche maternelle de mon conjoint. La particularité du couple auquel je me suis intéressée est qu’il était franco-suisse (selon les critères géographiques contemporains). Mais historiquement les ascendants du couple faisaient partie d’un même territoire : le Royaume de Piémont-Sardaigne.

Les résultats de mes recherches sont réunis dans le mémoire  Jean Pierre Greffier et Nicolarde Falquet : sentiers de la vie quotidienne en zone frontalière. J’ai souhaité prendre la frontière comme fil rouge car je voulais essayer de comprendre comment chaque génération avait composé avec cette réalité territoriale très prégnante. Les lieux étudiés sont principalement Veigy-Foncenex, commune située en Haute-Savoie et lieu de vie des GREFFIER et Collonge-Bellerive, qui faisait partie de la Savoie mais qui a été rattachée à la Suisse en 1816 par le Traité de Turin, au même titre que  22 autres communes du Canton de Genève (appelées « communes réunies »). C’est aussi la commune d’origine des FALQUET.  

A cette occasion et malgré un contexte compliqué (début de l’épidémie COVID), j’ai pu identifier les principales sources utiles en généalogie, aussi bien dans le canton de Genève qu’en France voisine. Je me suis aussi bien cassé le nez pour trouver le bon dépôt d’archives (Etat de Genève ? Haute-Savoie ? de Savoie ?) en fonction de la période dans laquelle je me situais. Cela implique de naviguer en permanence entre chronologie historique et inventaire d’archives. Je me propose donc de partager prochainement cette expérience, et de livrer ce que j’ai appris,  en espérant que cela puisse être utile à d’autres. J’ai découpé cette présentation en plusieurs parties correspondant à des périodes-clés de l’histoire régionale et induisant plus ou moins les dépôts d’archives qu’on peut  explorer.  

Mais vous l’aurez compris : avant d’entamer des recherches dans le canton de Genève et la zone frontalière de la Haute-Savoie, il est indispensable de bien situer le contexte historique du lieu qui nous intéresse. Particulièrement dans cette région, l’environnement politico-historique est très mouvant et extrêmement complexe : enchevêtrements de fiefs et de juridictions, communes limitrophes dépendant de deux administrations différentes, etc. Ainsi, du début du 16ème siècle à la moitié du 18ème siècle, le territoire a connu une occupation bernoise, cinq occupations françaises et une occupation espagnole. Sans compter les guerres franco-savoyardes, franco-genevoises, etc.




Un être tortillard se planque et toute la branche est dévoyée

ou comment un bout de branche qu’on pensait bien arrimé peut nous échapper…

On l’a assez dit : il ne faut pas faire de la généalogie dans l’espoir de trouver des ancêtres nobles au risque d’être déçu. Il est en effet plus probable d’avoir dans son ascendance des agriculteurs ou des domestiques que des seigneurs ou des notaires. De là, on pourrait penser que nos ancêtres étaient statiques, tout attachés qu’ils étaient à la terre qui les nourrissait et se transmettait de père en fils. C’est sans compter sur les évènements de la GRANDE HISTOIRE qui comme on le sait a singulièrement infléchi, pour ne pas dire busqué à l’image des branches de l’hêtre tortillard,  le cours de l’existence de nos ancêtres.

Un hêtre toritllard – source : par Roi.Dagobert (1)

Ainsi, pour la lignée MAITRE historiquement campée dans le village des irréductibles jurassiens de Brainans et où l’on est cultivateur de père en fils et jusqu’aux bouts des ongles incarnés, rien ne laissait penser qu’on aborderait des contrées lointaines, si ce n’est,  pour quelque aventurier, la perspective d’une échappée à une dizaine de kilomètres de là en vue de trouver casserole à son pied ou chaussure à son couvercle…  Et pourtant…

Il a 22 ans et s’apprête en ce mois de juin 1804 à quitter le giron familial pour rejoindre son lieu de casernement. Le 5 juin, suite à un tirage au sort (2) organisé dans son village d’origine, à savoir Mirebel dans le Jura,   il a en effet été enrôlé officiellement dans l’Armée Impériale pour servir Bonaparte, récemment nommé empereur des français (18 mai 1804). Augustin –c’est son prénom- n’est certainement pas le seul du village à partir. D’autres, parmi les hommes de 18 à 40 ans, célibataires ou veufs sans enfants , ont été comme lui enrôlés d’office pour servir qui dans l’artillerie, qui dans les hussards, qui dans la Garde à cheval. Le choix se fait selon la taille des conscrits. Pour l’époque, Augustin SANTONNAS est relativement grand… 1,74 m (blond, aux yeux bleux, mmmhhh !), il sera donc affecté au 1er régiment d’artillerie à pied (3). Il n’est pas certain qu’Augustin ait eu beaucoup de mal à partir. La vie ne l’a pas ménagé jusqu’à présent et en vérité,  il n’a pas grand-chose à perdre : dernier d’une famille de 7 enfants, il n’a pas connu son père, décédé 9 mois après sa naissance et il s’est trouvé orphelin à l’âge de 10 ans. Sans doute a-t-il été pris en charge, tout comme ses frères et sœurs encore vivants, par un membre de la famille, un oncle paternel peut être ?  Mais on peut fort aisément imaginer qu’il a passé bien plus de temps à travailler dans les champs que sur les bancs de l’école, pour autant qu’il ait été scolarisé (ce qui est peu probable car à cette époque, rares étaient les communes pourvues d’une école, surtout à la campagne).

Pendant qu’Augustin se prépare à quitter son village, voyons ce qu’il se passe au même moment à 500 km plus au nord…

Elle a 18 ans et en 1804, elle n’est pas encore considérée comme majeure. Elle habite peut être dans l’Aisne avec son père, tailleur d’habits,  et sa belle-mère. La mère de Josèphe Narcisse –c’est son prénom- est décédée en avril 1794 dans des conditions tragiques,  étouffée dans une cave lors de l’incendie provoqué par l’armée des Etats généraux des Provinces Unies à Prisches (Nord) à l’occasion du siège de Landrecies.  La petite n’avait alors que 8 ans.  Rien ne permet de dire si ses frères et sœurs ont péri dans l’incendie avec leur mère, Marie Catherine Josephe CAMUT, mais ce qui est certain, c’est que seules deux des filles de la famille semblent avoir eu une existence civile par la suite (actes à l’appui) : Marie Catherine Joseph, l’aînée et Josèphe Narcisse, la cadette. Elles ont 15 ans de différence et on peut aussi émettre l’hypothèse que c’est la grande sœur, mariée depuis 3 ans déjà au moment du décès de la mère,  qui s’est occupée de la petite. Le père quant à lui devait être absent lors de l’incendie car de par son métier, il est amené à se déplacer souvent.  En tout cas, ce n’est qu’en 1796, soit deux ans après,  qu’il vient déclarer le possible décès de sa femme à la mairie de Prisches.

Alors, comment ces deux-là se sont-ils rencontrés ?

Parti du Jura, Augustin SANTONNAS est donc affecté dans un premier temps au 1er régiment d’artillerie à pied de La Fère, dans l’Aisne, sans doute pour y suivre son instruction militaire en tant que futur canonnier. Fondé en 1720, le régiment de La Fère est issu du 1er bataillon du Royal Artillerie et devient en 1790 le 1er régiment d’artillerie où Napoléon Bonaparte a fait ses armes avant de devenir empereur. A ce titre, La Fère accueille aussi une prestigieuse école d’artillerie.

Est-ce que le père de Narcisse était tailleur d’habits pour le régiment ? ou son beau-frère –le mari de sa sœur- était-il lui-même militaire ? ou peut-être quelqu’un d’autre de sa famille ? Impossible de l’affirmer à ce stade. Toujours est-il que c’est à La Fère que ces deux-là ont dû se rencontrer en 1804 ou en 1805 (4). A la veille de la Saint-Valentin, il me plait d’imaginer que c’est parce qu’ils étaient faits l’un pour l’autre. On a le droit de rêver, même au 19ème siècle !

On imagine encore qu’Augustin n’est pas resté à La Fère pour s’adonner au tricot et qu’il a dû participer avec sa compagnie à des batailles, comme Ulm (octobre 1805) et/ou Austerlitz (2 décembre) et/ou Iéna (14 octobre 1806) et/ou Friedland (14 juin 1807). Heureusement pour nous ses descendants, il en est revenu. Et en mars 1808, on le retrouve de source sûre à Strasbourg où est basé un des bataillons du régiment de la Fère.

Pourquoi de source sûre ? parce que c’est lui qui vient déclarer la naissance de son premier fils, Emmanuel, le 2 mars 1808. Le petit est né au 4 Rue des Trois Hommes, sans doute le lieu de résidence de sa mère qui est alors âgée de 22 ans … Il est probable que Narcisse se soit enfuie de chez elle pour rejoindre Augustin contre l’avis de sa famille. Enfin… celle qui lui reste, car entre temps son père est décédé (1805). Quant à sa sœur aînée, les archives ne livrent pas d’informations si ce n’est qu’elle a eu une fille et que le couple est resté à Prisches. Bref ! voilà nos deux tourtereaux encombré d’un enfant illégitime –car né hors mariage- ce qui à l’époque n’était pas bien vu… Mais qu’à cela ne tienne, le pauvre Emmanuel, se sentant de trop, décède un mois après à Strasbourg. 

Néanmoins, la naissance d’un enfant a sans doute eu pour conséquence d’abréger la carrière militaire d’Augustin.  Le 18 septembre 1808, il part en effet en congé de réforme et rentre au pays avec Narcisse sous le bras.  Le couple se marie le 12 avril 1809 à Mirebel. Comme beaucoup d’anciens militaires, Augustin se voit –vraisemblablement- proposer un poste au service de l’Etat, en tant qu’exploitant forestier, ce qui amènera la petite famille à beaucoup bouger dans le département du Jura : Marigny en 1811, où naîtra un fils, La Marre, en 1816, où naîtra Clarisse Marie, notre ancêtre, et enfin Brainans à partir de 1819, où naîtront les deux dernières filles et où Augustin et Narcisse finiront leur vie, respectivement courte (1828) et longue (1875). 

Pour boucler la boucle, précisons que Clarisse Marie SANTONNAS, née en 1816 épousera en 1839 Félix MAÎTRE. Le couple aura 3 enfants, dont Aldegrin MAITRE, né en 1849, qui est notre AGP.


(1) Le Hêtre tortillard (Fagus sylvatica groupe Tortuosa, appelé aussi fau) est un hêtre caractérisé par un tronc tortueux et des branches et rameaux tordus et retombants qui lui donnent un port particulier comme un parasol. La croissance d’un hêtre tortillard est très lente. Mutation génétique, virus ou toute autre raison, l’origine de ces arbres reste un mystère. S’ils peuvent donner naissance à un arbre normal, l’inverse n’est pas possible. C’est un groupe rare que l’on trouve en nombre dans les bois de Verzy, près de Reims, mais aussi en Moselle, en Haute-Saône et en Allemagne.

(2) appelé aussi « conscription », un système de réquisition régi par la loi Jourdan du 19 fructidor an IV (5 septembre 1796)

(3) Ne me demandez pas pourquoi mais le Doubs, le Jura et l’Ain sont des départements où la taille des hommes est particulièrement grande, proportionnellement aux autres départements, selon l’étude très intéressante menée en 1863 par M. Boudin (qui,  lui, ne devait pas être très grand J) – cf références ci-dessous

(4) sur son acte de décès, il sera  indiqué que Narcisse était originaire de La Fère, où elle serait née le 15/08/1783 . En fait, la date ainsi que le lieu de naissance sont erronés, mais si ce lieu est ressorti, ça n’est certainement pas un hasard. 

SANTONNAS  Jean Augustin, né en 1782 à Mirebel (39), dcd en 1828 à Brainans (39), fils de Jean Pierre et de PROST Jeanne Claudine – conjoint : BOUCHER Josèphe Narcisse, née en 1786 à Prisches (59), dcd en 1875 à Brainans (39), fille de Pierre Joseph et de CAMUT Marie Catherine Josèphe – 5 enfants dont Clarisse Marie, AAGMP (6ème génération)

Sources : Boudin. De l’accroissement de la taille et de l’aptitude militaire en France (suite). Journal de la société française de statistique, Tome 4 (1863) , pp. 231-241. http://www.numdam.org/item/JSFS_1863__4__231_0/




L’émigration costarmoricaine

On a parlé de la jeune Jeanne GICQUEL, partie à 17 ans de son petit village de Côtes d’Armor pour  « se placer » dans une famille du Nord comme gouvernante. Elle n’est pas un cas isolé, loin s’en faut ! A partir des années 1860, les bretons se sont mis à émigrer en masse. En cause : la chute de l’industrie textile, la surpopulation et une misère extrême. Il n’y a alors plus assez de terres à cultiver.

Alors, on se regroupe pour partir sur les routes comme pillotou (marchand de chiffons ambulants), souvent en direction de la Normandie. C’est vraisemblablement le cas de Victorine, la sœur aînée de Jeanne, qui avec son époux Jacques Marie PELLAN, sont désignés comme marchand de tissus dans certains actes d’état-civil à partir de 1920. Ils ont d’ailleurs passé une partie de leur vie en Normandie avant de revenir s’établir à Moncontour, en Côtes d’Armor. De même, Anne Marie MORIN, sœur de Louis, notre grand-père, est partie s’établir définitivement après 1895 en Normandie avec son mari Jacques COUVRAN, comme marchands de chiffons.

Entre 1850 et 1950, un grand nombre de bretons des Côtes d’Armor partaient comme simples ouvriers agricoles pour faire des « saisons » sur l’île de Jersey, notamment pour le ramassage de pommes de terre. Beaucoup viennent de Ploeuc et de Plémy. Les conditions de vie étaient difficiles. Pour autant, certains n’ont pas hésité à s’installer définitivement dans l’île avec femmes et enfants. Dans une moindre mesure, une émigration agricole s’est produite également en direction de l’Aquitaine, région dépeuplée qui  de 1920 à 1940 avait besoin de main d’oeuvre pour s’occuper de terres inexploitées.  Il s’agissait là d’une émigration organisée qui répondait à une logique économique. Pour le moment, pas de personnes connues dans les branches MORIN ou GICQUEL qui se seraient installées à Jersey ou en Aquitaine dans le cadre de cette émigration, mais il n’est pas exclu qu’il y en ait.

Enfin, comme nous l’avons vu, au début du 20ème siècle, les femmes partaient   se placer soit comme « nourrice sur lieu » un peu partout en France, soit comme domestiques (bonnes à tout faire, cuisinières, ménagères, etc.).  

Pour aller plus loin :

  • Sur le site de l’Institut de documentation bretonne et européenne (IDBE), on trouve l’étude de l’Abbé Elie Gautier sur l’émigration bretonne ainsi que des coupures de presse sur ce thème
  • Les émigrants bretons à Jersey / Mark Boleat, traduction par Alain Boleat – mars 2016 –