La poisse…

Dans l’introduction de cette rubrique, j’ai parlé des petits cailloux que le généalogiste ne manque pas de trouver sur son parcours, comme autant de petits désagréments qui l’enquiquinent mais sans lesquels la généalogie ne serait pas ce qu’elle est.  Car même en présence de ces cailloux, on arrive toujours à avancer d’une manière ou d’une autre en explorant d’autres facettes de la vie de l’ancêtre concerné (militaire, professionnelle, etc.).

En cas de blocage et en ce qui concerne les générations les plus récentes, on fait appel aussi à la mémoire familiale, on se replonge dans les vieux papiers à l’affût du moindre indice qui finit bien par émerger.  Car au fil du temps,  le généalogiste développe une sensibilité accrue aux indices, même –surtout !- les plus insignifiants. Dans l’histoire familiale, il y a souvent des convergences de lieux, de professions,  de personnes qui sont parlantes. On apprend à les repérer, voire même à les pister. Finalement, c’est toujours une affaire de petits cailloux, qui, cette fois, montrent le chemin…

Tout cela pour dire qu’il est rare de rester bloqué sur une même personne très longtemps.

Pourtant, au bout de 7 années de recherches tous azimuts, j’ai l’impression de ne pas avoir beaucoup avancé sur un aïeul qu’il me tient pourtant à cœur de sortir de l’ombre : je veux parler de notre grand-père paternel.

A croire que la malchance nous poursuit même après la mort… Car le moins qu’on puisse dire, c’est que notre grand-père n’a déjà pas eu un début de vie facile. J’aurais l’occasion de détailler ce que j’en connais dans un prochain article mais pour faire bref : né en 1893 et enfant d’une famille nombreuse, Louis Lucien Raymond MAÎTRE a perdu son père, ainsi que ses 7 frères et sœurs, alors qu’il était encore enfant. En 1910, après le décès de son frère aîné, il s’est retrouvé seul  à 17 ans, avec sa mère et sa grand-mère qu’il ne pouvait pas aider aux travaux de la ferme du fait d’un handicap : il est né en effet avec une malformation qui a conduit à l’âge adulte à l’amputation de sa jambe droite. Vous conviendrez qu’on a connu plus joyeux comme début de vie…

Malgré cela,  il a gravi les échelons et il est devenu professeur de lettres anciennes (latin-grec)  à l’Institution Saint-Jean, Square Castan,  à Besançon. Ce qui n’est pas rien pour lui qui venait d’un milieu très modeste, où on était agriculteur de père en fils. Il a épousé celle qui est devenue notre grand-mère et qui, veuve,  était déjà  mère de deux enfants. Ils eurent ensemble 3 garçons, dont notre père… 

Pour des raisons encore floues –mais qui s’éclaircissent au fil de mes recherches -, notre grand-père s’est donné la mort en mars 1957 à une époque où le suicide était encore très mal vu. Suite à cela une sorte de  chape d’oubli a recouvert non seulement sa mort, mais aussi l’ensemble de sa vie.

Le fait de n’avoir plus aucune famille au moment de son mariage (sa mère est décédée alors qu’il avait 27 ans) avait déjà enlevé pas mal d’opportunités de transmission familiale. Même quand les parents sont décédés, la transmission passe en effet parfois par des tantes ou des oncles, des cousins ou cousines, qui là n’existaient pas. Les circonstances de son décès ont fait le reste : aucune information n’est arrivée jusqu’à nous, ses petits-enfants, quant à ses origines, aux évènements qui ont jalonnés sa vie, à sa vie professionnelle, etc. … Comme s’il n’avait existé qu’en pointillé…

Certes, les recherches dans les archives de l’état-civil ont permis de retrouver les dates des principaux évènements et de découvrir l’existence –insoupçonnée- d’une famille nombreuse. On a pu identifier les décès successifs du père,  des 4 frères et des 3 sœurs. Avec les recensements, on arrive à localiser le jeune homme et sa famille à Brainans, puis beaucoup plus tard, seul à Besançon. Le registre matricule de Raymond trouvé dans les archives militaires nous apprend aussi qu’en 1917 il n’était pas encore amputé, mais qu’il a été exempté du fait d’une ankylose complète de la jambe droite

Mais pour moi, ça n’est pas suffisant pour prétendre connaître son aïeul. D’autant que ces quelques résultats entraînent d’autres questions : pourquoi tant de décès dans la même famille ? quelle était l’origine de son handicap ? à quel moment et en quelle occasion a t’il dû se faire amputer ? Dans quel hôpital ? qui a payé ses études ? où est-il allé étudié ? qui était son tuteur ?

Pour effectuer ces recherches, j’ai  déployé les grands moyens et actionné tous les canaux d’informations possibles et imaginables. J’ai consulté ou interrogé   les AD39, les AD25, les archives municipales à Dole et à  Poligny, les archives diocésaines de Besançon, celles de Poligny et enfin la Direction de l’enseignement catholique de Franche-Comté.

Alors oui,  j’ai quand même eu quelques pistes, mais les résultats finaux ne sont en tout cas pas à la hauteur des efforts consentis.  Surtout :  j’ai l’impression que le sort s’acharne sur ce pauvre grand-père déjà malchanceux, en faisant mystérieusement disparaître les archives le concernant. Jugez-en plutôt :

Les listes des élèves de l’école du village (Brainans, dans le Jura) sont introuvables pour les années qui nous intéressent (elles ne sont plus à la mairie, mais pas non plus aux AD39). Rien ne permet donc de confirmer que Raymond MAÎTRE a fréquenté l’école du village. C’est probable mais pas sûr à 100 %.

Concernant sa prise en charge et/ou mise sous tutelle après le décès de son père (Raymond avait alors 8 ans), il existe ce qu’on appelle un conseil de famille établi par le Juge de paix de Poligny qui statue sur ce type de dispositions. J’ai la date et les références de ce document (trouvées dans un acte notarié aux AD39). Malheureusement, on a une lacune chronologique dans les documents de la période concernée, autrement dit : les documents ont été perdus, à moins qu’ils ne soient encore dans un fonds non inventorié des archives communales de Poligny. La demande est en cours mais sans grand espoir qu’elle n’aboutisse.

Pour le collège et le lycée : la mémoire familiale retient que Raymond a fait ses études chez les jésuites. Mais impossible de savoir où exactement : à un moment,  j’avais pensé qu’il avait pu être envoyé au Collège de l’Arc à Dole, car il y a là une maison des orphelins (Raymond ayant perdu son père était considéré comme orphelin). De plus, le collège a été tenu par les jésuites  jusqu’à la moitié du 18ème siècle et  préparait les élèves depuis les petites classes jusqu’au baccalauréat. Raymond aurait pu ainsi y avoir passé toute sa scolarité… Malheureusement, il n’apparait ni sur les listes nominatives des enfants de la maison des orphelins, ni sur les documents liés à l’assistance publique. On peut donc considérer qu’il n’était pas à Dole.

Il m’a été suggéré de regarder du côté de Poligny ; après l’école primaire (vers 12-13 ans), les rares enfants de Brainans qui continuaient leurs études étaient en effet envoyés soit au collège de Poligny soit au Petit Séminaire de Vaux-sur-Poligny.   Les AD39 possèdent peu d’archives du collège (quelques remises de prix et des palmarès) et Raymond n’y est pas mentionné, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il n’y était pas scolarisé.

En ce qui concerne le Petit Séminaire de Vaux-sur-Poligny, l’archiviste du diocèse m’a appris  que les registres se trouvent bien  à Poligny, mais qu’ils n’ont pas encore été inventoriés. Donc non consultables pour le moment… De plus, pour corser un peu plus l’affaire, on m’a fait remarquer que la période où Raymond aurait fréquenté le collège coïncidait avec les persécutions religieuses de 1903-1906 au cours desquelles de nombreuses écoles ont été fermées par le gouvernement (Vaux-sur-Poligny ferme ainsi  en 1907)…

A vrai dire, concernant son parcours scolaire, une seule information intéressante est ressortie de sa fiche matricule (militaire) : Raymond a joué les prolongations à l’école car encore en 1913, soit à l’âge de 20 ans,  il était dit étudiant secondaire domicilié à Brainans.

A l’Université, les choses s’éclairent un peu (côté archives, je veux dire) : les AD25 nous apprennent qu’il s’est inscrit tardivement en licence de philosophie (immatriculation en juin 1922), puis en licence d’histoire (ancienne), qu’il obtient en 1926. Mais aucun dossier d’étudiant le concernant n’est retrouvé. Impossible donc de savoir de quelle école il venait.

Côté professionnel, c’est pour l’instant l’impasse : en principe, les enseignants ont tous un dossier de carrière qui contiennent des informations sur leur parcours scolaire et leur vie familiale. Or, dans notre affaire,  impossible de mettre la main dessus : les AD25 ne conservent que les dossiers des enseignants du public ;  les Archives du diocèse de Besançon n’ont rien sur le personnel de l’institution St-Jean ; la Direction de l’enseignement catholique de Franche-Comté non plus. Bref… on ne sait pas où sont passées ces archives et à vrai dire, je crois que cela ne pose de problèmes à personne, sauf à moi-même.

Voilà donc où on en est… je ne désespère pas un jour de tirer un fil, LE fil,  qui me permettra de remonter la pelote mais pour l’instant, à  chaque coup d’essai, il me vient plutôt l’image du savon qu’on croit saisir et qui toujours nous échappe…

MAÎTRE Louis Lucien Raymond (GP), né en 1893 à Brainans (39), dcd en 1957, fils de Aldegrin Jean Marie (AGPP) et de MARTINEZ Julie Françoise  (AGMP) – conjoint : AYMONIER Marie Rose Joséphine, 3 enfants

Voir aussi la photothèque – galerie de portraits




Un être tortillard se planque et toute la branche est dévoyée

ou comment un bout de branche qu’on pensait bien arrimé peut nous échapper…

On l’a assez dit : il ne faut pas faire de la généalogie dans l’espoir de trouver des ancêtres nobles au risque d’être déçu. Il est en effet plus probable d’avoir dans son ascendance des agriculteurs ou des domestiques que des seigneurs ou des notaires. De là, on pourrait penser que nos ancêtres étaient statiques, tout attachés qu’ils étaient à la terre qui les nourrissait et se transmettait de père en fils. C’est sans compter sur les évènements de la GRANDE HISTOIRE qui comme on le sait a singulièrement infléchi, pour ne pas dire busqué à l’image des branches de l’hêtre tortillard,  le cours de l’existence de nos ancêtres.

Un hêtre toritllard – source : par Roi.Dagobert (1)

Ainsi, pour la lignée MAITRE historiquement campée dans le village des irréductibles jurassiens de Brainans et où l’on est cultivateur de père en fils et jusqu’aux bouts des ongles incarnés, rien ne laissait penser qu’on aborderait des contrées lointaines, si ce n’est,  pour quelque aventurier, la perspective d’une échappée à une dizaine de kilomètres de là en vue de trouver casserole à son pied ou chaussure à son couvercle…  Et pourtant…

Il a 22 ans et s’apprête en ce mois de juin 1804 à quitter le giron familial pour rejoindre son lieu de casernement. Le 5 juin, suite à un tirage au sort (2) organisé dans son village d’origine, à savoir Mirebel dans le Jura,   il a en effet été enrôlé officiellement dans l’Armée Impériale pour servir Bonaparte, récemment nommé empereur des français (18 mai 1804). Augustin –c’est son prénom- n’est certainement pas le seul du village à partir. D’autres, parmi les hommes de 18 à 40 ans, célibataires ou veufs sans enfants , ont été comme lui enrôlés d’office pour servir qui dans l’artillerie, qui dans les hussards, qui dans la Garde à cheval. Le choix se fait selon la taille des conscrits. Pour l’époque, Augustin SANTONNAS est relativement grand… 1,74 m (blond, aux yeux bleux, mmmhhh !), il sera donc affecté au 1er régiment d’artillerie à pied (3). Il n’est pas certain qu’Augustin ait eu beaucoup de mal à partir. La vie ne l’a pas ménagé jusqu’à présent et en vérité,  il n’a pas grand-chose à perdre : dernier d’une famille de 7 enfants, il n’a pas connu son père, décédé 9 mois après sa naissance et il s’est trouvé orphelin à l’âge de 10 ans. Sans doute a-t-il été pris en charge, tout comme ses frères et sœurs encore vivants, par un membre de la famille, un oncle paternel peut être ?  Mais on peut fort aisément imaginer qu’il a passé bien plus de temps à travailler dans les champs que sur les bancs de l’école, pour autant qu’il ait été scolarisé (ce qui est peu probable car à cette époque, rares étaient les communes pourvues d’une école, surtout à la campagne).

Pendant qu’Augustin se prépare à quitter son village, voyons ce qu’il se passe au même moment à 500 km plus au nord…

Elle a 18 ans et en 1804, elle n’est pas encore considérée comme majeure. Elle habite peut être dans l’Aisne avec son père, tailleur d’habits,  et sa belle-mère. La mère de Josèphe Narcisse –c’est son prénom- est décédée en avril 1794 dans des conditions tragiques,  étouffée dans une cave lors de l’incendie provoqué par l’armée des Etats généraux des Provinces Unies à Prisches (Nord) à l’occasion du siège de Landrecies.  La petite n’avait alors que 8 ans.  Rien ne permet de dire si ses frères et sœurs ont péri dans l’incendie avec leur mère, Marie Catherine Josephe CAMUT, mais ce qui est certain, c’est que seules deux des filles de la famille semblent avoir eu une existence civile par la suite (actes à l’appui) : Marie Catherine Joseph, l’aînée et Josèphe Narcisse, la cadette. Elles ont 15 ans de différence et on peut aussi émettre l’hypothèse que c’est la grande sœur, mariée depuis 3 ans déjà au moment du décès de la mère,  qui s’est occupée de la petite. Le père quant à lui devait être absent lors de l’incendie car de par son métier, il est amené à se déplacer souvent.  En tout cas, ce n’est qu’en 1796, soit deux ans après,  qu’il vient déclarer le possible décès de sa femme à la mairie de Prisches.

Alors, comment ces deux-là se sont-ils rencontrés ?

Parti du Jura, Augustin SANTONNAS est donc affecté dans un premier temps au 1er régiment d’artillerie à pied de La Fère, dans l’Aisne, sans doute pour y suivre son instruction militaire en tant que futur canonnier. Fondé en 1720, le régiment de La Fère est issu du 1er bataillon du Royal Artillerie et devient en 1790 le 1er régiment d’artillerie où Napoléon Bonaparte a fait ses armes avant de devenir empereur. A ce titre, La Fère accueille aussi une prestigieuse école d’artillerie.

Est-ce que le père de Narcisse était tailleur d’habits pour le régiment ? ou son beau-frère –le mari de sa sœur- était-il lui-même militaire ? ou peut-être quelqu’un d’autre de sa famille ? Impossible de l’affirmer à ce stade. Toujours est-il que c’est à La Fère que ces deux-là ont dû se rencontrer en 1804 ou en 1805 (4). A la veille de la Saint-Valentin, il me plait d’imaginer que c’est parce qu’ils étaient faits l’un pour l’autre. On a le droit de rêver, même au 19ème siècle !

On imagine encore qu’Augustin n’est pas resté à La Fère pour s’adonner au tricot et qu’il a dû participer avec sa compagnie à des batailles, comme Ulm (octobre 1805) et/ou Austerlitz (2 décembre) et/ou Iéna (14 octobre 1806) et/ou Friedland (14 juin 1807). Heureusement pour nous ses descendants, il en est revenu. Et en mars 1808, on le retrouve de source sûre à Strasbourg où est basé un des bataillons du régiment de la Fère.

Pourquoi de source sûre ? parce que c’est lui qui vient déclarer la naissance de son premier fils, Emmanuel, le 2 mars 1808. Le petit est né au 4 Rue des Trois Hommes, sans doute le lieu de résidence de sa mère qui est alors âgée de 22 ans … Il est probable que Narcisse se soit enfuie de chez elle pour rejoindre Augustin contre l’avis de sa famille. Enfin… celle qui lui reste, car entre temps son père est décédé (1805). Quant à sa sœur aînée, les archives ne livrent pas d’informations si ce n’est qu’elle a eu une fille et que le couple est resté à Prisches. Bref ! voilà nos deux tourtereaux encombré d’un enfant illégitime –car né hors mariage- ce qui à l’époque n’était pas bien vu… Mais qu’à cela ne tienne, le pauvre Emmanuel, se sentant de trop, décède un mois après à Strasbourg. 

Néanmoins, la naissance d’un enfant a sans doute eu pour conséquence d’abréger la carrière militaire d’Augustin.  Le 18 septembre 1808, il part en effet en congé de réforme et rentre au pays avec Narcisse sous le bras.  Le couple se marie le 12 avril 1809 à Mirebel. Comme beaucoup d’anciens militaires, Augustin se voit –vraisemblablement- proposer un poste au service de l’Etat, en tant qu’exploitant forestier, ce qui amènera la petite famille à beaucoup bouger dans le département du Jura : Marigny en 1811, où naîtra un fils, La Marre, en 1816, où naîtra Clarisse Marie, notre ancêtre, et enfin Brainans à partir de 1819, où naîtront les deux dernières filles et où Augustin et Narcisse finiront leur vie, respectivement courte (1828) et longue (1875). 

Pour boucler la boucle, précisons que Clarisse Marie SANTONNAS, née en 1816 épousera en 1839 Félix MAÎTRE. Le couple aura 3 enfants, dont Aldegrin MAITRE, né en 1849, qui est notre AGP.


(1) Le Hêtre tortillard (Fagus sylvatica groupe Tortuosa, appelé aussi fau) est un hêtre caractérisé par un tronc tortueux et des branches et rameaux tordus et retombants qui lui donnent un port particulier comme un parasol. La croissance d’un hêtre tortillard est très lente. Mutation génétique, virus ou toute autre raison, l’origine de ces arbres reste un mystère. S’ils peuvent donner naissance à un arbre normal, l’inverse n’est pas possible. C’est un groupe rare que l’on trouve en nombre dans les bois de Verzy, près de Reims, mais aussi en Moselle, en Haute-Saône et en Allemagne.

(2) appelé aussi « conscription », un système de réquisition régi par la loi Jourdan du 19 fructidor an IV (5 septembre 1796)

(3) Ne me demandez pas pourquoi mais le Doubs, le Jura et l’Ain sont des départements où la taille des hommes est particulièrement grande, proportionnellement aux autres départements, selon l’étude très intéressante menée en 1863 par M. Boudin (qui,  lui, ne devait pas être très grand J) – cf références ci-dessous

(4) sur son acte de décès, il sera  indiqué que Narcisse était originaire de La Fère, où elle serait née le 15/08/1783 . En fait, la date ainsi que le lieu de naissance sont erronés, mais si ce lieu est ressorti, ça n’est certainement pas un hasard. 

SANTONNAS  Jean Augustin, né en 1782 à Mirebel (39), dcd en 1828 à Brainans (39), fils de Jean Pierre et de PROST Jeanne Claudine – conjoint : BOUCHER Josèphe Narcisse, née en 1786 à Prisches (59), dcd en 1875 à Brainans (39), fille de Pierre Joseph et de CAMUT Marie Catherine Josèphe – 5 enfants dont Clarisse Marie, AAGMP (6ème génération)

Sources : Boudin. De l’accroissement de la taille et de l’aptitude militaire en France (suite). Journal de la société française de statistique, Tome 4 (1863) , pp. 231-241. http://www.numdam.org/item/JSFS_1863__4__231_0/




Et si on parlait… épidémie ?

Pierre et Louise,  70 et 64 ans, couple de non-retraités par obligation, habitent à Aboncourt, un petit village de Haute-Saône dont la population atteint tout juste 300 âmes, dont beaucoup en peine et vivant plutôt mal que bien de l’exploitation des vignes, du bois et des céréales. Pierre et Louise sont d’ailleurs journaliers dans les vignes, c’est-à-dire qu’ils se tuent au travail 10 à 15 h par jour, gagnent des clopinettes, sont dehors par tous les temps et  ne savent même pas si le lendemain ils auront du boulot…  

Leurs 3 enfants, 35, 33 et 26 ans, toujours célibataires sont logés à la même enseigne. Tout ce petit monde vivant sous le même toit est aussi tributaire des conditions météorologiques et de la qualité des récoltes. Or en 1852 et 1853, ces dernières ont été quasiment nulles et le prix du blé a flambé. De plus, l’hiver 1853-1854 a été précoce et rude, le printemps anormalement chaud et le début de l’été anormalement pluvieux. D’où de mauvaises conditions de travail (ou pas de travail du tout), une misère extrême, des privations et le retour dans les foyers de la fièvre typhoïde dûe à cette époque à la consommation d’eau infectée par la bactérie.

Comme si cela ne devait pas suffire, en juin 1854, le choléra commence à faire son apparition en Haute-Saône. Certes, cette sympathique maladie était déjà connue puisqu’en 1832, puis en 1848, elle avait déjà décimé une bonne partie de la population parisienne, faisant à chaque fois environ 18’000 victimes.  Pour autant, rien ne permettait aux autorités d’anticiper quoi que ce soit : des hôpitaux, il y en a très peu, cantonnés dans les grandes villes et ils n’ont pas encore la mission médicale qu’on leur connait. Les médecins vivent aussi majoritairement en ville, et ils n’ont ni les connaissances, ni les ressources nécessaires pour faire face.  Bref… on ne connaissait pas le luxe de pouvoir anticiper, polémiquer ou se confiner . Pas de débats ni guerres intestines sur le sujet des masques, des tests, des vaccins… quelle chance  !!!

A Aboncourt, les deux premiers décès attribuables au choléra interviennent le 21 juillet 1854. C’est le début d’une longue série qui va se poursuivre jusqu’au 8 septembre.  Dans ce petit village de 300 habitants, il y aura au total 35 décès de personnes atteintes par le choléra. C’est 7 fois plus que la mortalité habituelle !

Pierre et Louise ont certainement lutté contre la maladie. Ne faisant pas partie des premières victimes, ils ont peut être même pensé qu’ils y échapperaient. Et pourtant… pourtant…

Le 11 août 1854, Pierre TOURLAQUE, manouvrier vigneron rend son dernier souffle à deux heures du matin à son domicile. Il a alors 70 ans. Son décès est déclaré le jour même par son fils, Gaspard,  accompagné d’un voisin.

Et le 29 août 1854, c’est au tour de sa femme,  Louise DUNOT d’y passer dans les mêmes conditions (à une heure du matin, à son domicile). Cette fois, ça n’est pas un de ses fils qui vient déclarer le décès. Faisaient-ils partie des nombreuses personnes ayant pris la fuite entre temps ? On ne le saura jamais… et à vrai dire, cela importe peu !

Ce qu’on retient, c’est le bilan… Désastreux.  Les résultats du dénombrement de la population en 1856 accusent dans le département de la Haute-Saône une diminution d’1/10ème de la population  (33’000 âmes sur 347’000). Pendant quelques temps, le nombre moyen des décès a été de 300 à 350 par jour dans ce seul département !

La Haute-Saône était au 3ème rang des départements les plus touchés. Gy, non loin d’Aboncourt, a été l’épicentre de cette terrible épidémie (30 à 60 décès par jour mi-août). Les sujets de 46 à 50 ans et les vignerons, très nombreux dans la région,  étaient les plus touchés.  

Les environs de Gy, épicentre de l’épidémie de choléra en 1854
Infographie_Choléra_1854

TOURLAQUE Pierre né en 1784 à Aboncourt (70), dcd en 1854, fils de Claude et de GELIN(OTTE) Jeanne et DUNAUX ou DUNOT Louise née en 1789 à Aboncourt, dcd en 1854, fille de Jean Baptiste et de MOUREY Antoinette – 4 enfants, dont Gaspard TOURLAQUE qui a eu une fille, Joséphine, mariée avec Stéphane AYMONIER. Ce couple a eu une fille, Rose AYMONIER, GMP.

Sources : Niobey, P.-Alphonse (Dr), 1858. Histoire médicale du choléra-morbus épidémique qui a régné en 1854 dans la ville de Gy (Haute-Saône) – https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5421526s – Bourdelais P., Demonet M., Raulot J-Y. 1978. La marche du choléra en France : 1832-1854. In: Annales. Economies, sociétés, civilisations. 33ᵉ année, N. 1, 1978. – 1865. Note statistique sur le choléra de 1832, 1849 et 1854 in Journal de la société statistique de Paris, tome 6 (1865)




La mobilité avant l’heure…

Il a 21 ans et vient tout juste de terminer ses études à l’école nationale professionnelle d’horlogerie de Besançon (spécialité : petite mécanique de précision). Il a aussi mis fin à 9 ans de scoutisme durant lesquels sa persévérance et sa rigueur lui ont permis de gravir les échelons, louveteau, éclaireur, puis routier. Pour autant, il s’est déjà forgé une très haute et noble opinion de la liberté individuelle, qui comprend celle de penser par soi-même, de s’exprimer et d’agir sans contrainte. C’est aussi pour lui de se déplacer librement et de choisir ses activités et son mode de vie en toute indépendance… C’est ce qui va l’amener dans les dix années qui vont suivre à changer chaque année de lieu d’habitation et presque autant de travail…



MAÎTRE Bernard, né en 1927 à Besançon, dcd en 2014, fils de Raymond (GPP) et AYMONIER Rose – Conjointe : MORIN Thérèse, 3 enfants

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