Un ancêtre encombrant
Joseph Amand MAÎTRE nait le 18 octobre 1840 à Brainans (39). C’est le fils aîné de la famille MAÎTRE Félix-SANTONNAS Clarisse, Deux frères lui succéderont, l’un décède à l’âge de 13 ans et l’autre, Aldegrin, deviendra plus tard le père de notre grand-père paternel. On peut imaginer -sans avoir pu encore le vérifier- que Joseph Amand a effectué son service militaire (d’une durée de 7 ans à l’époque) car c’est seulement en 1868 qu’il se marie avec Ernestine VALDOIS, une jeune fille originaire d’un village proche de Brainans (39). Elle n’a que 19 ans quand elle se marie, ce qui signifie qu’elle a dû obtenir l’autorisation de ses parents pour le faire, car la majorité matrimoniale était de 21 ans pour les filles. Elle exerce le métier de couturière.
Le couple “monte” vraisemblablement très vite à Paris pour trouver du travail comme le font beaucoup de jeunes jurassiens qui fuient la misère. Joseph est peintre en bâtiment. Il a peut être un penchant marqué pour l’alcool, ce qui peut le rendre violent… C’est en tout cas mon hypothèse. Toujours est-il qu’en ce lundi 18 février 1889 on le retrouve au Tribunal de Paris pour s’entendre signifier un jugement sans appel : le divorce prononcé à ses torts à la requête d’Ernestine pour le motif suivant : s’est livré sur sa femme à des voies de fait et à des mauvais traitements qui constituent des sévices graves. (source : Acte de divorce reporté le 30 juillet 1889 sur les registres d’état-civil de Montholier). Aïe., voilà qui fait mal… non seulement à sa femme, mais aussi à nous, les descendants… Nous voilà affublés à présent d’un grand-oncle violent et qui pour le coup ne fait pas honneur à son patronyme : chez les Maître, en effet on se maîtrise… Pour cela, nous pourrions l’oublier aussi vite que nous l’avons exhumé du passé… mais c’est sans compter sur le fait que lui aussi fait partie de notre famille, qu’on le veuille ou non. Et surtout qu’il fait partie d’une époque où ce que nous jugeons intolérable aujourd’hui était encore timidement sanctionné… Profitons-en pour faire un petit retour en arrière.
En 1889, cela fait seulement 5 ans que le droit au divorce a été rétabli, après une période de 68 ans pendant laquelle il était tout bonnement interdit. C’est en 1884 que la Loi Naquet réintroduit le divorce dans le Code Civil, mais elle le conditionne encore à la notion de faute, celle-ci pouvant être constituée par l’adultère, par la condamnation d’un des époux à une peine afflictive et infamante ou par des excès, sévices et injures graves. Encore fallait-il en fournir la preuve…
J’ignore quelle preuve Ernestine a dû apporter pour que sa demande soit prise en compte, et combien de fois elle a dû se présenter devant les représentants de la loi pour ce faire, mais ce qui est sûr c’est que 16 longs mois se sont écoulés entre la demande initiale d’Ernestine (12/10/1887) et le jugement. Cela laisse le temps de recevoir encore pas mal de coups…
Après le jugement, Ernestine repart sans doute dans le Jura où elle épousera en 1890 un jeune homme du pays. Joseph Amand quant à lui reste à Paris. Il est très difficile de retracer le parcours de Joseph après son divorce. On sait qu’il habite passage Brunoy 24, qui est une rue très mal famée, théâtre de nombreux crimes et délits, et qu’il se remarie le 11 novembre 1889 -il ne perd pas de temps!- avec une certaine Elisabeth COUMEIG qui est journalière et vient des Pyrénées-Atlantiques. L’histoire ne dit pas s’il bat sa nouvelle femme… Toujours est-il qu’ils restent ensemble jusqu’au décès d’Elisabeth en 1909, On perd ensuite la trace de Joseph Amand jusqu’à son propre décès le 23 janvier 1912, à l’âge de 71 ans, au 45 rue Gide à Levallois-Perret. Manifestement, cette adresse correspond à un ancien hospice pour personnes âgées et infirmes. Ceux qui viennent déclarer son décès sont de simples voisins. On peut donc imaginer que Joseph est mort comme il avait vécu : seul, sans famille et loin de son pays natal…
MAITRE Joseph Amand né en 1840 à Brainans (39), dcd en 1912, fils de Félix et de SANTONNAS Clarisse) – conjoint : VALDOIS Ernestine, puis COUMEIG Elisabeth, pas d’enfants