On ne choisit pas sa famille (2)

Faisons à présent une incursion en pays savoyard sur les traces de la dynastie MOUCHET / BETEMPS… Dans cette branche, on a déjà vu qu’il y avait, en ligne directe, un armateur, génial inventeur des barques du Léman, et, en ligne indirecte, un pirate d’eau douce (cf la série Palsembleu ne saurait mentir). Nous allons découvrir ici qu’en matière de cousinage, il y a pire que le pirate. Et là, aïe, aïe, aïe … ça pique un peu, comme on dit.

Cette fois, c’est dans la branche MOUCHET, qu’on trouve ce cousinage quelque peu encombrant. Cela prouve au moins qu’entre famille et vote, même combat : on a beau dire qu’on n’en veut pas, il s’accroche quand même !!!

Nicolas SARKOZY (1955- )

Nicolas SARKOZY, né le 28 janvier 1955 à Paris, est un homme d’État français. Il est Président de la République française de 2007 à 2012. Il est le fils de Pál SARKÖZY DE NAGY-BOCSA (1928-2023), immigré hongrois, et d’Andrée MALLAH (1925-2017), dont la mère, Adèle BOUVIER, est originaire de Lyon.

D’abord maire de Neuilly-sur-Seine, député, ministre du Budget et porte-parole du gouvernement ou encore président par intérim du Rassemblement pour la République (RPR), il devient en 2002, ministre de l’Intérieur, puis ministre de l’Économie et des Finances et président du conseil général des Hauts-de-Seine. De 2004 à 2007, il préside le mouvement populaire (UMP).
Après son départ de la présidence, il reprend la présidence de l’UMP, qu’il fait renommer Les Républicains (LR). Puis il quitte la tête du parti en 2016 pour se présenter, sans succès, à la primaire présidentielle de la droite et du centre.
Il se met ensuite de nouveau en retrait de la vie politique et doit faire face à plusieurs affaires judiciaires, dont l’affaire Sarkozy-Kadhafi, l’affaire Bygmalion, et l’affaire Sarkozy-Azibert.

Comme on peut s’en douter, c’est par la branche maternelle que notre Nicolas national cousine avec les MOUCHET. Ci-dessous, le chemin le plus court entre les deux branches, sachant que : Marie Alphonse MOUCHET est le grand-père de mon conjoint et qu’Adèle BOUVIER est la grand-mère de Nicolas.

Autrement dit, la 3x arrière-grand-mère de mon conjoint, Marie JACQUES, était la demie sœur du 3x arrière-grand-père de Sarkozy, Claude HUDRY. Ces deux ancêtres étaient de Villard-sur-Boëge (74). Il y aurait encore moyen de s’en sortir honorablement en se disant que la mauvaise graine venait du côté HUDRY… sauf qu’il est vraisemblable (mais non encore vérifié) que les MOUCHET soient aussi parents avec les HUDRY ! C’est décidément une mauvaise pioche… mais tout le monde n’a pas la chance d’avoir que des ancêtres agriculteurs 🙂

En ce qui concerne la branche GREFFIER / BETEMPS, malgré que (ou parce que) Geneastar ne donne aucun résultat, j’ai envie de faire passer à la postérité un personnage qui semble oublié dans son propre village, alors qu’il a grandement œuvré pour le bien commun dans le domaine de l’archéologie.

Maurice René Joseph DUNAND (1898-1987)

Maurice DUNAND est un archéologue savoyard né à Loisin (74) en 1898. Son père était Etienne DUNAND de Loisin, et sa mère Jeannette DUNAND de Machilly.
De 1926 à 1977, il dirige les fouilles de Byblos dont il fera le seul site du Proche-Orient à peu près intégralement fouillé, depuis ses origines au VIe millénaire avant JC jusqu’à la période médiévale. Il a été tour à tour Inspecteur et Directeur des Antiquités au Haut Commissariat de France pour la Syrie et le Liban, puis Conservateur en chef des musées nationaux, puis Directeur de la Mission archéologique au Liban. Il a notamment bousculé le monde de l’archéologie avec ses nouvelles méthodes de gestion de fouilles.
La fin de sa vie fut certes moins glorieuse puisqu’il promit à deux pays différents -la France et la Suisse- de leur léguer ses archives, sa bibliothèque et tous les meubles de son bureau, moyennant paiement anticipé… Sans doute peut-on voir là une explication au fait qu’il n’ait pas laissé un souvenir impérissable dans son propre village…
Voici comment May Makarem, un journaliste de L’Orient Le Jour relate les faits le 22/02/2022 :

Une explication qui me semble plus plausible est que Maurice DUNAND n’a pas eu de descendance, ni, selon mes recherches actuelles, de neveux ou de nièces qui auraient pu avoir à cœur de valoriser sa mémoire post mortem… Cet article me donne donc l’occasion de rendre un hommage à ce cousin pas si éloigné (cf schéma ci-dessous, sachant que Marie Joséphine GREFFIER est la grand-mère maternelle de mon conjoint).

Quels liens de parenté ?

Pour en savoir plus sur Maurice DUNAND : sa nécrologie parue en 1987 dans la Revue d’art oriental et d’archéologie Syria et un récent article Quand Byblos retrouve sa mémoire, paru en 2022 dans le Campus de l’Université de Genève à l’occasion de la restitution au Liban d’archives résiduelles de Maurice DUNAND sur les fouilles de Byblos.




Palsembleu ne saurait mentir (Partie II)

… au pirate écarlate !

Jean François est donc le fils aîné de Laurent, celui qui n’a pas trop mal tourné en devenant exacteur (soit : percepteur de taxes) à Thonon-les-Bains… Il en est tout autre du fils cadet, Joseph DANTAL, le seul enfant à ne pas être né à Nice mais à Thonon-les-Bains, après l’arrivée de ses parents dans le Chablais en 1671. Relation de cause à effet ? Toujours est-il que Joseph a suivi un chemin bien moins conventionnel que celui de son frère. On le dit en effet « fort remuant et de réputation douteuse » (1)… A tel point qu’en 1704, quand le climat politique se détériore et que les troupes françaises atteignent le Chablais savoyard, engagées dans une lutte sans merci contre les huguenots et les résistants au régime, Joseph DANTAL, qui a alors 33 ans, décide de se rallier aux camisards et d’entrer en guerre contre les français. Et il le fera d’une manière très personnelle en devenant pirate (2) et en attaquant les convois maritimes ou terrestres affrétés par les banquiers genevois. Son principal -et ultime!- fait d’armes a été de dérober en 1705 pas moins de 20’000 louis d’or aux troupes françaises ! Il s’agissait en fait de l’or destiné à payer la solde des troupes de Vendôme qui étaient sorties victorieuses de la bataille de Cassano contre les troupes savoyardes. L’opération n’a pas été simple à mener, comme nous l’explique plus en détail Olivier Gonet sur son blog. Mais on sait qu’après cet exploit, DANTAL et ses acolytes regagnent les côtes suisses, où ils seront vus quelques jours plus tard en train de fêter leur victoire dans une auberge. Et « chose extraordinaire et malgré les protestations véhémentes des représentants français, les auteurs de ces méfaits ne furent jamais inquiétés par la police bernoise ».

Qu’advint-il du trésor de Vendôme ? Nul ne le sait car après cela, le pirate disparut purement et simplement du paysage chablaisien…

En guise de conclusion, voilà le chemin le plus court, généalogiquement parlant, reliant les BETEMPS et les DANTAL :

(1) Olivier Gonet – cf source dans « pour en savoir plus… »
(2) pour autant, il n’était ni le premier, ni le dernier
!

Pour en savoir plus sur les pirates du Léman :

Ce thème a aussi inspiré quelques fictions, dont :

  • May, O. (2023). Les Pirates du Léman : La prisonnière de Chillon. Flammarion jeunesse.
  • Vellas, C. (2016). Légendes et histoires du Léman
  • Knobil, B. (2016). Petchi et les pirates du Léman



Palsembleu ne saurait mentir ! (Partie I)

(Sang bleu signifie noble. Cette locution désigne quelqu’un appartenant à la noblesse ou à l’aristocratie par sa filiation)

Introduction

En des temps anciens et résolument moyenâgeux se tramaient sur notre beau Léman (1) des scènes qu’on ne sauraient imaginer, bien éloignées en tout cas de celles en usage de nos jours, essentiellement dédiées à la trempette, bronzette ou guinguette. Il faut savoir qu’à cette époque, les chemins étaient de piètres sentiers, très mal entretenus et peu praticables, si bien qu’on leur préférait la voie du lac, plus directe. Les principaux transports s’effectuaient donc sur les eaux du Léman qui étaient la seule vraie grande route commerciale. Ainsi, des barques partaient du pays de Vaud pour acheminer vers Genève du vin et des farines d’Allemagne, des fromages et des viandes de Fribourg, ou en sens inverse des draps, des velours et des toiles en provenance des très réputées foires de Genève. Autant dire qu’il y avait beaucoup de monde et de trafics sur le lac, sans compter les combats maritimes acharnés qui pouvaient intervenir à tout moment entre princes, seigneurs et califes à la place du calife de tous bords (du lac)… Tout cela créait une effervescence bien industrieuse autour de cette gouille de quelque 580 km2 et ne manquait pas d’attirer aussi la convoitise de brigands, malfrats et coquins en tout genre…

Dans ce contexte et dans le cadre très précis de ma recherche des ancêtres savoyards, une famille de la branche GREFFIER/BETEMPS (en l’occurrence plus BETEMPS que GREFFIER) retient plus particulièrement mon attention. Il s’agit des DENTAL (ou DANTAL) dont plusieurs membres, intimement liés à l’activité du lac, ont fait parler d’eux, en (très) bien comme en (très) mal…

L’histoire -du moins celle du Chablais- commence avec Lorenzo DENTALE, un charpentier naval niçois (savoyard à l’époque!) appelé en 1671 par le Duc de Savoie, Charles-Emmanuel II, pour construire à Thonon-les-Bains un tout nouveau modèle de barque marchande, potentiellement affrétable pour la guerre. En effet, le Duc dont le royaume s’étend jusqu’à la côte méditerranéenne (cf carte ci-dessous) vient de lancer un projet d’envergure : attirer sur le territoire savoyard tout le commerce entre le midi de la France et l’Allemagne, qui, jusqu’alors, passait par la ville de Genève.

(1) qu’on évitera de nommer “Lac Léman”, car il parait que ça revient à dire “Lac Lac” et que cela constitue un délit de tautologie !

De l’Amiral génial…

Pour atteindre cet objectif quelque peu mégalomane, le Duc fait réaménager plusieurs routes servant au commerce, dont celle des Echelles qui permet de rallier plus facilement Lyon. Puis il fait construire à [Collonge-]Bellerive, qui à l’époque était encore en Savoie (1), un port fermé par des digues, ainsi que de grands entrepôts. C’est donc pour mieux servir son ambition démesurée qu’il fait venir Lorenzo DENTALE. A 37 ans, ce dernier a déjà passé une bonne partie de sa vie en tant qu’armateur et amiral à Nice, où il a d’ailleurs eu ses 5 premiers enfants avec la bien nommée Dorotea DENICIA, dont Jean François (né Gian Franco, à Nice en 1658), ancêtre direct des GREFFIER/BETEMPS …en 10ème génération quand même !
Sitôt arrivé à Thonon, Lorenzo, rebaptisé Laurent, se met tout de suite au travail et développe deux prototypes de barques très prometteuses, le Saint-Charles et le Saint-Jean-Baptiste, inspirées des barques latines méditerranéennes. Faisant preuve d’un esprit d’innovation hors du commun, DANTAL décide de construire une carène à fond plat, il allonge et élargit la coque pour adapter l’embarcation aux conditions particulières du Léman, sans utiliser aucun plan (2). Encensé par les experts et les marins, Laurent DANTAL est dès lors nommé Patron des galiotes de Son Altesse Royale. En 1689, il réalise deux barques supplémentaires. La flotte savoyarde est donc constituée de 4 bâtiments et de 800 marins, ce qui est plutôt important pour le Léman.

Mais les choses se gâtent en 1690, quand Louis XIV déclare la guerre à la Savoie. Laurent DANTAL décide alors d’amener ses 4 bateaux sur la côte suisse, à Villeneuve, puis à Chillon, pour les placer sous la protection de Berne et les soustraire à l’envahisseur des terres savoyardes. Trop contents de « récupérer » un amiral aussi talentueux, les bernois confient à DANTAL le soin de parfaire le projet de créer un port à Morges, une mission dont il s’acquitte parfaitement avec l’aide des experts qui lui sont adjoints. Par ailleurs, durant son exil en Suisse, il fait la connaissance de Jean François PANCHAUD, un homme d’affaires ambitieux qui lui commande un bateau pouvant satisfaire à ses ambitions commerciales et répondant également aux exigences de Berne (qui étaient de pouvoir réquisitionner et utiliser les barques en cas de guerre).

En 1691, DANTAL réalise un nouveau modèle de barque, la Gaillarde, qui est la toute première « barque du Léman » telle qu’on la connaît aujourd’hui. Le bateau se révèle excellent, il n’est pas trop cher et parfaitement adapté à l’usage commercial, si bien qu’en une décennie, dix barques similaires sont construites autour du Léman.

Carte postale d’une barque du Léman vers 1900

Les anciennes barques genevoises disparaissent supplantées par l’invention géniale de DANTAL, qui passe alors allègrement à une postérité de longue durée (3) avant de mourir en 1696 à Thonon-les-Bains. C’est donc le fils aîné, Jean François, qui rendra les galiotes à la Savoie après le décès du père.

La suite : Palsembleu ne saurait mentir ! (Partie 2)

(1) Collonge-Bellerive fait partie des communes réunies qui ont été cédées à Genève en 1816
(2) Le génie reconnu de Laurent DENTAL –qui ne savait ni lire ni écrire– réside dans le fait d’avoir conçu des bateaux parfaitement adaptés aux conditions lémaniques
(3) Aujourd’hui encore, Laurent DANTAL est donné comme l’inventeur incontesté des Barques du Léman, j’ai pu le constater de mes propres oreilles en embarquant sur la Savoie à l’occasion des Journées du Patrimoine 2023

Pour en savoir plus sur Laurent DANTAL et sur ses barques :




Vigny, vidi… vici !!!

Ouf ! ultime recherche pour finaliser la 2ème roue d’ascendance sur 8 générations, soit la bagatelle de 255 personnes identifiées par roue. Il s’agit cette fois des ascendants de mon conjoint, ma propre roue ayant été bouclée il y a une quinzaine de jours et imprimée dans la foulée ! Eh oui, sans doute un sentiment plus prégnant de celle qui n’en finit pas de tourner et qui me pousse à la faire (la roue) !!!

Pour l’heure, je m’intéresse donc à une certaine Michelle VIGNY, décédée à Veigy-Foncenex (74) et épouse de Pierre-Louis FOEX, dont je dois trouver les parents. Bah, bah, bah… pas de quoi en faire un fromage ! VIGNY étant un nom de famille ben d’chez nous, ça sera tout de suite fait, en deux coups de fourchette à fondue ! De plus, j’ai le lieu et la date du décès… Reste à trouver où se sont mariés les tourteaux… pardon ! les tourtereaux ! Ah… mais zut ! premier petit schmilblick : sur l’acte de décès du mari, il est dit qu’il était marié à Marie (et non Michelle). Si ce n’est (Mich)elle, c’est donc peut être sa soeur !!! Qu’à cela ne tienne, Etienne ! Appliquons le processus maintes fois éprouvé : formuler d’abord des hypothèses à partir des bases de données à disposition (Marmottes de Savoie, Société genevoise de généalogie et Geneanet), recouper les informations, puis contrôler à la source (registres de baptêmes, mariage et décès en ligne) pour valider tout ça… ou parfois, rien de tout ça…

Sauf que… les Michelle ou Marie VIGNY ne courent pas les rues, ni de Veigy, ni des alentours. Du moins pour la période qui nous intéresse, et les rares que je trouve -surtout des Marie- sont mortes très vite. Trop vite en tout cas pour se marier et avoir des enfants. Je passe quand même une double paire d’heures à vérifier dans les registres, d’ici à ce qu’un des bénévoles (1000 fois remerciés pour le travail qu’ils effectuent !) ait oublié de retranscrire l’acte en question, mais en vain… Michelle (alias Marie) et Vigny sont des noms qui ne vont manifestement pas très bien ensemble, quoiqu’en pensent les Beatles…

Quelques semaines plus tard, bien plus désoeuvrée que mue par une inspiration divine, je refais une recherche sur Geneanet en élargissant au delà des frontières de Haute-Savoie. Et là… BINGO ! HIP HIP HIP HOURRA ! Tartiflette et chocolat ! je trouve la mention du mariage d’un couple FOEX / VIGNY… Bon… plus exactement : VIGNIER. Il s’appelle Pierre-Louis, elle s’appelle Michelle mais n’a pas le coeur en Provence comme une autre Michelle plus contemporaine. Leurs coeurs à eux, ainsi que leur destinée, se sont croisés en 1790 dans l’Ain, à Ornex. C’est à une quinzaine de kilomètres à vol d’oiseau de Veigy, mais comme il y a un lac au milieu et qu’ils ne sont ni oiseau ni poisson, il faut au bas mot une heure pour s’y rendre, en transitant par Genève. La profession de Pierre n’est pas indiquée mais on peut imaginer qu’il a émigré comme beaucoup de ses congénères pour trouver du travail en région genevoise, comme homme à tout faire, ou palefrenier, ou coursier. Rien d’étonnant en tout cas qu’il se retrouve de l’autre côté du lac, d’autant que les parents de la future épouse, à savoir Antoine VIGNIER et Aimée CROTTET (!), mentionnés dans l’acte de mariage, résidaient (eh oui, parce qu’ils sont tous deux déjà morts) à Prégnin, un lieu qui n’existe pas mais qu’on peut tout de suite transformer en : Prégny, un village qui par la loi des frontières actuelles se trouve en Suisse mais à seulement quelques kilomètres d’Ornex.

Alors… Haro sur les registres de Prégny pour trouver la mention de la naissance de Michelle dans les années 1760 (elle avait en effet 30 ans lors de son mariage), avec le nom des parents, et hop, le tour est joué ! Mais ça, c’était vouloir vendre la peau du chat de la mère Michelle avant que de l’avoir tué : une Michelle VIGNY, il y en a bien une, mais les parents ne correspondent pas. Damned !!! En consultant le registre, on trouve par contre des naissances pour 3 couples VIGNY (variante : VEGNY ou VINIER), manifestement différents :

  • le couple Antoine VIGNY et Mie CHARBONNAR (AZ) a eu un enfant mort-né en 1759 et un fils, Jean Louis, mort également le lendemain, en 1765
  • le couple Antoine VEGNY / VINIER et Miaz/Aimée CROTET (EX) a eu une fille Jeanne en 1760 et un fils Jean, en 1763
  • enfin, le couple Etienne VEGNY et Marie COSSET a eu une fille en 1756 qui se prénomme… Michelle

Voilà, voilà : si on résume, nous avons dans notre jeu, d’une part des bons parents avec des mauvais enfants, et d’autre part un bon enfant avec des mauvais parents… Et contrairement au Jeu des 7 familles, il n’y a pas de pioche pour espérer retomber sur ses pattes… Il est donc nécessaire de trouver un éventuel Joker…

En investiguant un peu, on s’aperçoit que seul le premier couple (VIGNY/CHARBONNAR) est formellement identifié par son mariage à Prégny : en effet le 17 février 1756, Antoine VIGNY épouse la bien nommée Aimée CHARBONAND (ou NNAR ou NAZ, à cette époque, on en n’est pas à une consonne près !). Or en y regardant de plus près, on apprend qu’Aimée est fille de Jean Jacques et de Françoise CROZET… Tiens, tiens… voilà bien un nom de famille qui sonne comme CROTET ou CROTEX, toujours à une consonne près, d’autant que Mie est le diminutif d’Aimée… Il semblerait donc que la mariée soit la même personne qu’Aimée CROTET (peut être une naissance hors mariage déclarée par la mère, puis reconnue -ou non- par le père).

Mais rien ne permet de l’affirmer… jusqu’au moment où à force de tourner les pages et/ou en bourrique, je tombe à la fin du registre sur un correctif qui lève toutes les interrogations. Dans cet addendum rédigé en avril 1784, il est dit que six représentants de la famille VIGNIER -on ne plaisantait pas avec le nombre requis de témoins- se sont présentés au Presbytère pour faire modifier l’acte de baptême de Michelle : tous, qu’ils soient tantes, oncle ou neveux attestent que cette dernière est fille d’Antoine VIGNIER et d’Aimée CHARBONNAND “surnommée CROTTET” (voici donc la confirmation de l’hypothèse énoncée plus haut). On en veut pour preuve que ledit Etienne VIGNIER, auquel on avait d’abord attribué l’enfant, était mort depuis quelques années déjà avant la naissance, ce qui, quand on y réfléchit bien, est une très bonne raison. Et comme ce dernier -qui accessoirement était le père d’Antoine- était marié de son vivant avec une Marie COSSET -mère d’Antoine-, c’est tout naturellement, par association d’idée et de famille, qu’on a attribué l’enfant du fils… à ses propres parents…. Vous me suivez ?

Et c’est donc 28 ans plus tard qu’on daigne rétablir la vérité. Alors pourquoi une déclaration si tardive, pourquoi vouloir changer une mention qui n’a jamais dérangé personne pendant plusieurs décennies ? Michelle aurait elle été gênée aux entournures par la mention dans un registre de ce superman de père qui l’avait conçue alors qu’il était déjà mort ? C’est peu probable. Ce qui l’est plus, c’est que après le décès de Jean, fils unique d’Antoine, le 8 mars 1784, Michelle se retrouve la seule enfant survivante. Il était donc urgent de rétablir la situation pour des questions d’héritage tout simplement… ce qui sera fait quelques semaines après le décès du frère…

En tout cas, pour ma part, après avoir rendu aux bien vivants Antoine et Aimée ce qui appartenaient aux très morts Etienne et Marie, je peux enfin m’autoriser à proclamer avec mon pote Cesar : VIGNY, VIDI, VICI, avant que de faire un ultime tour de grande roue…

1756 – Acte de baptême erroné de Michelle VIGNIER – Pregny-Chambésy (CH)
1784 – Correctif apporté à l’acte de baptême erroné de Michelle VIGNIER – Prégny-Chambésy (CH)

VIGNY Michelle, née en 1756 à Prégny (CH), dcd en 1795 à Veigy (74) , fille d’Antoine et de CHARBONNAND dite CROTTET Aimée, Conjoint : Pierre-Louis FOEX, mariés en 1790 à Ornex (01). Michelle VIGNY est l’AAA-GM d’Alice BETEMPS




Un fieffé Greffier !

(fieffé est à prendre ici dans son sens littéral, à savoir : qui tenait quelque chose en fief)

Il a 60 ans. Un bel âge pour qui a la chance de vivre au 21ème siècle, mais en 1874, alors que l’espérance de vie est seulement de 45 ans, c’est un fait suffisamment rare pour être apprécié… J’ignore si c’est ainsi que Jean Pierre GREFFIER, l’arrière-arrière-grand-père maternel de mon conjoint, voit les choses, mais il doit en tout cas considérer ces quelques années supplémentaires qui lui sont octroyées comme un heureux sursis…

Sa vie passée dans le village de Veigy-Foncenex a été jusque là relativement satisfaisante , si ce n’est un environnement géopolitique passablement mouvant dans cette région qui aujourd’hui fait partie de l’actuelle Haute-Savoie et de la France. Mais cela n’a pas toujours été le cas…

VEIGY-FONCENEX, une commune à la frontière franco-suisse

De quoi y perdre son latin en vérité : en 1815, deux ans avant la naissance de Jean Pierre, la Savoie, à laquelle appartient Veigy-Foncenex, était rattachée au Royaume Piémont Sardaigne. C’était le cas des communes voisines comme Collonge-Bellerive (d’où est originaire Nicolarde FALQUET, l’épouse de Jean Pierre), Meinier, Anières, Corsier, etc, qui depuis des siècles ont suivi la même trajectoire que Veigy-Foncenex, à savoir : une grande période savoyarde entrecoupée d’occupations tour à tour bernoises, françaises puis espagnoles. Or, en 1816, ces communes jouxtant Veigy-Foncenex, et où la famille GREFFIER avait certainement des amis, des voisins et de la famille, sont séparées de la Savoie, pour se trouver rattachées à la Suisse. C’est ce qu’on appelle les communes réunies.

Puis comme on le sait, en 1860, la Savoie est annexée à la France, et Veigy aussi… bien qu’un grand nombre d’habitants se soient alors déclarés en faveur d’un rattachement à la Suisse.

Pas facile donc de s’y retrouver avec ces changements majeurs qui occasionnent certainement de nombreuses tracasseries administratives au quotidien… Certaines personnes d’une même famille ou qui ont été voisins se réveillent un beau jour savoyards et sardes, tandis que d’autres ne sont plus savoyards mais suisses. Sans parler de cette annexion 45 ans plus tard à une France qui ne recueille pas toute leur sympathie !

Mais bon, dans l’ensemble, Jean Pierre traverse cette période bon an mal an, en s’adaptant vraisemblablement à la situation du moment…. Avait-il bien le choix ?

Il n’empêche qu’à 60 ans, la question de sa succession le taraude… Il a beau avoir tout ce qu’il faut pour vivre et être déjà propriétaire d’une maison avec grange, cour et jardin, d’une vigne, de quelques champs et d’un petit chenevier (pour la culture du chanvre), ainsi que de plusieurs têtes de bétail. Il a beau avoir 5 fils, tous avec une bonne situation, même si deux d’entre eux ont dû s’exiler temporairement à Paris pour y être cochers, un phénomène très courant dans le Chablais… Rien n’y fait, il faut qu’il continue à faire fructifier son patrimoine.

Alors de 1874 à 1880, il multiplie les transactions. Un emprunt sous forme d’obligation auprès d’un notaire, puis des achats de terrains à Veigy, suivi à nouveau d’un emprunt, et encore des achats de terrains à Veigy, mais aussi dans la commune proche de Loisin.

Mais d’où peut-il donc tirer sa fortune ? La réponse se trouve dans le statut très particulier de la zone dans laquelle la famille évolue… Comme quoi, les changements évoqués plus haut n’ont pas présenté que des inconvénients…

Depuis 1816, Veigy-Foncenex se trouve en effet dans la petite zone franche instituée au delà de la limite du Canton de Genève en vertu du Traité de Turin. Entre cette zone et la Suisse, il n’y a pas de contrôles douaniers et les taxes sont inexistantes. Il est donc plus que probable que Jean Pierre comme de nombreux autres agriculteurs “zoniens” écoulait sans difficulté ses produits agricoles et laitiers sur le marché genevois.

Et c’est ainsi que grâce à une politique d’achats en dernière partie de sa vie, Jean Pierre GREFFIER lègue après sa mort (1884) à ses 4 fils encore vivants un fort beau pactole : 18 ha de terrains (dont maison, vigne et chenevier) à Veigy-Foncenex, 1,94 ha à Chens/Léman et 0,28 ha à Loisin…

De quoi transmettre à la postérité son appellation bien méritée de fieffé Greffier !

Jean Pierre GREFFIER né en 1817 à Veigy-Foncenex (74), dcd en 1884, fils de Jean Pierre GREFFIER et Catherine LACORBIERE – conjoint : Nicolarde FALQUET, 5 enfants




Recherches croisées franco-genevoises : introduction

Dans le cadre de ma formation à l’Université de Nîmes (D.U. Généalogie et Histoire des familles à distance – année 2019-2020), j’ai choisi d’étudier une des lignées de la  branche maternelle de mon conjoint. La particularité du couple auquel je me suis intéressée est qu’il était franco-suisse (selon les critères géographiques contemporains). Mais historiquement les ascendants du couple faisaient partie d’un même territoire : le Royaume de Piémont-Sardaigne.

Les résultats de mes recherches sont réunis dans le mémoire  Jean Pierre Greffier et Nicolarde Falquet : sentiers de la vie quotidienne en zone frontalière. J’ai souhaité prendre la frontière comme fil rouge car je voulais essayer de comprendre comment chaque génération avait composé avec cette réalité territoriale très prégnante. Les lieux étudiés sont principalement Veigy-Foncenex, commune située en Haute-Savoie et lieu de vie des GREFFIER et Collonge-Bellerive, qui faisait partie de la Savoie mais qui a été rattachée à la Suisse en 1816 par le Traité de Turin, au même titre que  22 autres communes du Canton de Genève (appelées « communes réunies »). C’est aussi la commune d’origine des FALQUET.  

A cette occasion et malgré un contexte compliqué (début de l’épidémie COVID), j’ai pu identifier les principales sources utiles en généalogie, aussi bien dans le canton de Genève qu’en France voisine. Je me suis aussi bien cassé le nez pour trouver le bon dépôt d’archives (Etat de Genève ? Haute-Savoie ? de Savoie ?) en fonction de la période dans laquelle je me situais. Cela implique de naviguer en permanence entre chronologie historique et inventaire d’archives. Je me propose donc de partager prochainement cette expérience, et de livrer ce que j’ai appris,  en espérant que cela puisse être utile à d’autres. J’ai découpé cette présentation en plusieurs parties correspondant à des périodes-clés de l’histoire régionale et induisant plus ou moins les dépôts d’archives qu’on peut  explorer.  

Mais vous l’aurez compris : avant d’entamer des recherches dans le canton de Genève et la zone frontalière de la Haute-Savoie, il est indispensable de bien situer le contexte historique du lieu qui nous intéresse. Particulièrement dans cette région, l’environnement politico-historique est très mouvant et extrêmement complexe : enchevêtrements de fiefs et de juridictions, communes limitrophes dépendant de deux administrations différentes, etc. Ainsi, du début du 16ème siècle à la moitié du 18ème siècle, le territoire a connu une occupation bernoise, cinq occupations françaises et une occupation espagnole. Sans compter les guerres franco-savoyardes, franco-genevoises, etc.