Ces listes qui subsistent…

Ce sont des listes… des listes écrites à la main, sur une feuille de papier quadrillé jauni par le temps, un autre temps… La première énumère le contenu de deux malles : un manteau ratine, des combinaisons en soie, des culottes en coton, de la laine à tricoter, des cuillères en argent, des livres de messe reliés en cuir, un capuchon imperméable… Charme d’une mode délicieusement surannée et d’une époque où chaque chose avait son utilité… La deuxième décrit des meubles et objets répartis dans les pièces d’une habitation qu’on imagine grande et emplie de vie : une véranda, 2 étages, 4 chambres, 5 lits, des livres de classe et de bibliothèque, une machine à coudre, des tableaux. On pressent des rires d’enfants et des courses poursuites dans l’escalier, des repas familiaux enjoués et des couverts se rajoutant au gré de visites impromptues.

Très bien, mais… cela ne nous dit pas ce que ces deux vieux papiers font dans les archives familiales. Et quel intérêt de les conserver aussi longtemps ? car rien de plus banal, ni de plus volatile qu’une liste de nos jours. A l’image de celle où l’on consigne les -bien nommées- courses, où l’on note les choses urgentes et/ou importantes à faire, fort inopportunément appelée « tout doux » liste en comparaison du sentiment de culpabilité qu’elle engendre. Ou encore celle de titres de livres qu’on espère lire (un jour), de voyages que l’on voudrait faire (bientôt), des rêves les plus fous que l’on taira (à jamais)… Car les listes font partie des innombrables béquilles de notre époque, censées venir en aide à nos cerveaux encombrés et “réduire le stress de nos vies” (ha bon?)… Et là, à cet instant précis, l’image du laissez-passer A-38, de la circulaire B65, et du formulaire jaune, guichet 7, cinquième étage, escalier K, couloir W s’impose à mon esprit (12 Travaux d’Astérix)… Allez savoir pourquoi…

Mais trêve de considérations de comptoir de bas étage… regardons de plus près nos deux listes, qui, on l’aura compris, n’ont rien à voir avec les artefacts de notre société, décrits ci-dessus…

Le fait que ces listes aient traversé les âges, soigneusement rangées avec d’autres archives, laisse déjà penser qu’elles revêtent une certaine importance pour l’histoire familiale. De plus, l’écriture est soignée (c’est celle de Louis MORIN, notre grand-père maternel), les deux inventaires sont précis. Il ne s’agit pas de listes écrites en vitesse, sur un bout de table. Enfin, et surtout, une note manuscrite en haut à gauche de la première liste doit retenir notre attention :

Un dossier établi et remis juste après la guerre par la famille MORIN-GICQUEL après son retour à Loos… Voilà qui sent la demande de réparation…
De fait, la confirmation se trouve dans une autre archive familiale, en l’occurrence un avis d’attribution d’indemnités -ci-dessous :

Ce bout de papier auquel sont agrafés 3 justificatifs de dépôt de bagages permet de reconstituer la chronologie des évènements, que je choisis de vous présenter à mon tour comme une pièce en trois actes, en assumant pleinement la subjectivité qui s’en dégage :

Premier acte

Le rideau se lève le 17 mai 1940 sur une famille en proie au plus terrible dilemme : les allemands progressent au nord de la France ; à une centaine de kilomètres de là, la ville d’Avesnes a été bombardée. Faut-il attendre encore ? ou fuir vers l’inconnu ? Dans ce 1er acte, il faut imaginer les parents, Louis et Jeanne, qui ont déjà connu la guerre, et quelle guerre ! (pour rappel, Louis fut rescapé des batailles de la Somme et de Verdun) et qui ont à présent la charge d’une famille, 3 enfants, âgés de 13, 15 et 20 ans. Il faut essayer de mesurer ce qui préside à leur décision de quitter leur environnement familier dès le lendemain pour se réfugier à Envermeu, chez un frère de Louis. Même si on soupçonne qu’il s’agit d’un instinct de survie. A ce moment là, sans doute espèrent ils que leur absence sera de courte durée et qu’ils reviendront vite. Pour autant, il faut se les représenter la veille de ce départ pour le moins précipité brûler les quelques centaines de lettres d’amour échangées avant leur mariage durant “l’autre” guerre. Et il faut aussi se figurer leur état d’esprit quand il a fallu choisir les affaires qui trouveront place dans les malles. Des produits de première nécessité, certes, mais aussi des choses qui ont un peu de valeur, sentimentales surtout, financières aussi, en pensant prioritairement aux enfants. Raison pour laquelle les lettres n’ont sans doute pas été conservées. Mais comment fait-on pour trier les choses importantes de sa vie en si peu de temps et dans un tel climat d’indécision ? Une question qui reste pour moi en suspens. Les 3 vélos qu’ils possèdent feront aussi partie du voyage, non parce qu’ils y sont particulièrement attachés mais parce que s’il faut aller vers l’inconnu, autant être le plus autonome possible…

Il faut ensuite suivre cette famille cherchant un moyen pour se rendre à Envermeu en gare de Loos ou de Lille, parmi une foule compacte et dans un chaos indescriptible. On monte dans un train qui ne part pas, on en emprunte un autre qui fait quelques kilomètres, puis s’arrête. Il faut parfois descendre pour faire plusieurs dizaines de kilomètres à pied sous les bombardements pour rattraper un autre train. Dans ces conditions, il faudra 4 jours à la famille MORIN GICQUEL pour rejoindre Envermeu, à seulement 250 kilomètres de là. C’est sans doute à ce moment que l’absence des deux malles et des 3 vélos est constatée… Fin du 1er acte, qui donne corps à la 1ère liste… Mais avant que le rideau tombe, on peut s’interroger sur ce qui reste comme affaires à cette famille dont le périple est pourtant loin d’être terminé… (destination finale : les Landes, en zone libre)… une ou deux valises de vêtements, tout au plus ?

Second acte

Septembre 1945 : après 5 ans passés dans les Landes à vivre sans doute très modestement, du produit des champs, de la générosité des habitants et peut être d’une petite pension d’ancien combattant de Louis, seuls 3 des membres de la famille prennent le chemin du retour. Jean est en effet entré au Grand Séminaire à Dax et Marie-Louise, la grande soeur, a décidé d’entrer dans les ordres. Pour elle, ça sera Bordeaux. Il faut donc s’imprégner de l’image des deux parents et de la jeune Thérèse, âgée alors de 17 ans, au moment du retour, partagés entre la joie de revenir chez eux et la tristesse de se séparer du reste de la famille et des amis landais. Il faut les imaginer arriver dans le nord, et retrouver une ville dévastée par les bombardements, qui n’a plus rien à voir avec celle qu’ils ont connue. Il faut surtout se représenter leur détresse en découvrant que leur maison a été occupée et en partie pillée durant leur absence… Le pourcentage de sinistre sera évalué par le Ministère de la Reconstruction à 45 %, ce qui n’est pas rien… Voilà pour le second acte, le rideau tombe sur une situation pas joyeuse, joyeuse, et le lien avec la 2ème liste est établi…

Dernier acte

Fin 1945-début 1946 : pour prétendre à une indemnité, certainement bienvenue en ces temps d’après-guerre, on a dit à la famille MORIN qu’il fallait des inventaires précis, d’une part du contenu des malles égarées, d’autre part de l’état de la maison au moment de leur départ. Prenons donc encore un moment pour “guigner” par dessus les épaules de Louis et Jeanne en train de dresser ces fameuses listes… Ecoutons-les évoquer ensemble ces épisodes douloureux qu’ils préfèreraient pourtant oublier, rectifier des souvenirs, pinailler sur des détails qui pour eux n’ont plus vraiment d’importance… le mal étant fait, comme on dit. Mais voilà, la boucle est bouclée, il ne restera plus qu’à attendre la décision du Ministère de la reconstruction… qui met quand même un an pour arriver ! L’histoire ne dit pas si l’allocation pour les pertes en cours de transport a été versée rapidement, mais en ce qui concerne le sinistre à 45 % constaté sur le logement, la “Décision portant évaluation définitive d’indemnité” porte la date du 17 mars… 1956, soit 10 ans après la demande ! (archive à l’appui). Autant dire qu’il ne fallait pas compter là-dessus pour se reconstruire, si tant est que cela fût possible…

S’il faut une morale à cette histoire , c’est que nous ne mesurons pas assez la chance que nous avons de pouvoir griffonner de manière insouciante des listes de livres à lire, de courses ou de choses à faire. Ni celle d’évoluer à peu près librement sans entendre au loin les bruits inquiétants de la guerre. Merci donc aux listes qui subsistent de nous le rappeler !




Ecrire pour transmettre…

Aujourd’hui je vous parle d’écriture. Plus précisément d’écriture à la main. Vous savez, ce geste si anodin qui consiste à tracer, sur une feuille, des lettres pour former des phrases qui revêtent un tant soit peu de sens… ce geste qui, il n’y a pas si longtemps encore, faisait partie de la normalité du quotidien et qui, maintenant, est presque devenu un acte exceptionnel (du moins quand il s’agit d’écrire plus de deux lignes d’affilée !)… A tel point que nous avons l’impression de ne plus être capable d’écrire…

Nous avons donc l’impression de ne plus être capable d’écrire, et c’est normal, car quand on tient un crayon, de nombreux muscles sont sollicités. Des recherches récentes ont montré que l’apprentissage de l’écriture cursive développait la dextérité manuelle. Plus encore : saisir et manier le crayon requièrent « la mobilisation d’une foule de ressources neuromotrices, cognitives et linguistiques qui permettent aux enfants de récupérer le vocabulaire qu’ils possèdent et de le faire apparaître sur la page ».  Ce qui facilite par la suite l’acquisition de la… lecture ! Tout est lié. Raison pour laquelle la décision de la part de la Finlande en 2016 d’abandonner définitivement l’enseignement de l’écriture au profit du clavier a été -et est encore- controversée.

Plus tard, l’acte d’écrire serait un excellent moyen de renforcer la mémoire. Hetty Roessingh, Professeur à l’Université de Calgary, l’explique très clairement dans cet article : “Les chercheurs ont découvert que lorsque l’on prend des notes au clavier, on le fait textuellement sans traiter l’information. On parle alors d’une prise de notes « non générative ». En revanche, en écrivant à la main, on doit faire preuve d’un engagement cognitif pour arriver à résumer, paraphraser, organiser, mettre en correspondance des concepts et du vocabulaire. La manipulation et la transformation de l’information approfondissent la compréhension. La prise de notes écrites devient une prise de notes mentale. On travaille activement à donner du sens pour pouvoir ensuite passer à la réflexion, à l’étude ou au partage afin de comparer sa compréhension avec des partenaires de laboratoire ou des camarades de classe”

Mar Perezts, Professeur associée à l’EM Lyon Business School va encore un peu plus loin en démontrant que le geste d’écriture change notre rapport au monde en accentuant la conscience incarnée de soi (le fait de se sentir présent ici et maintenant) et en nous permettant d’affirmer notre existence, par une écriture qui nous est propre.
Enfin, « l’effort de potentiellement devoir recommencer nous oblige à peser autrement nos mots en les écrivant à la main. Il y aurait donc une vertu liée aux difficultés d’effacer l’écriture manuscrite, et qui serait perdue avec la facilité d’effacer sur écran, car encourageant d’une certaine manière une pensée plus volatile ». De là à affirmer que l’écriture manuscrite permet de mieux se perdre, s’égarer ou s’épancher, il n’y a qu’un pas que je vous invite à franchir…

D’autant que je prétends ajouter d’autres avantages, et non des moindres, en terme de transmission puisque c’est cela qui nous intéresse. Le fait d’avoir hérité d’une telle quantité d’écrits familiaux, si riches de sens (cf article précédent ) m’a en effet interpellée et j’ai envie de renvoyer la question que je me suis posée à toutes celles / tous ceux qui me liront : que restera t’-il de nous, de vous pour les générations suivantes, vos enfants, vos petits-enfants, vos arrière-petits-enfants ?

Car ne nous leurrons pas : ce ne sont pas nos courriels ou nos messages échangés sur les réseaux sociaux, pas plus que les fichiers dissous dans la masse du cloud ou de nos ordinateurs (si tant est qu’ils soient capables de résister à un prochain crash informatique) qui traverseront le temps pour être récupérés par nos descendants. Dans 50 ans, nos greniers seront bien pauvres et vides, au même titre que nos mémoires familiales… Et tout comme actuellement on ne peut plus lire des données sauvegardées sur une disquette ou sur une cassette audio, il y a bien peu de chance que les outils mis en œuvre dans le futur soient capables de lire les données produites sur des supports et/ou des logiciels d’un autre temps. C’est le problème crucial de l’interopérabilité des systèmes.

A l’heure où l’on envoie des capsules spatio-temporelles dans l’espace pour laisser un signe de notre passage sur la terre et où on carotte inlassablement le sol pour découvrir des traces de civilisations passées, nous voilà donc incapables de préserver une once de notre vécu à l’attention de nos arrière-petits-enfants… Ne trouvez-vous pas comme moi que c’est inquiétant ?

Avec le papier comme support, on est au moins sûr de ce qu’on sait… ( !) : on connaît les grandes causes d’avaries ou de destruction (incendies, inondations, perte physique). On sait aussi que la pérennité d’un document écrit à la main dépend de la qualité du papier et de l’encre utilisés, ainsi que de ses conditions de conservation.

Alors, que vous soyez pressés ou non, jeune ou vieux, parents ou grands-parents, oncle ou tante, pensez-y SVP : les paroles s’envolent mais les écrits restent, et ils restent d’autant plus facilement s’ils sont tracés de votre main. Imaginez le plaisir qu’éprouveront vos enfants, petits-enfants, arrière-petits-neveux à découvrir non seulement votre écriture -déjà révélatrice de votre caractère-, mais aussi la part de ce que vous aurez choisi de livrer de vous-mêmes. Que ce soient des recettes, des croquis, des citations, des poésies, des listes de semis, des courriers, tout est bon à prendre du moment que cela reflète vos passions, vos goûts, votre personnalité.

source : https://picjumbo.com/

A la rapidité de l’ordinateur, affirmons de temps à autre notre préférence pour la lenteur et la plénitude du crayon.

écrivons… écrivons…écrivons…

partageons ce qui nous tient à cœur,
échangeons des lettres d’amour ou des messages d’amitié,
envoyons des courriers, à nos parents, à nos enfants, à nos petits-enfants…
couchons sur le papier nos états d’âme
racontons des histoires,
composons des chroniques du quotidien
retranscrivons sur un carnet les textes actuellement noyés dans la masse de nos ordinateurs
saisissons n’importe quelle occasion (voyage, événement festif, etc.) pour écrire
noircissons des pages… de carnet, de cahier, de journal créatif, … peu importe !
commentons et illustrons abondamment nos albums photos
dessinons, croquons à l’envi la vie et ses petits travers
calligraphions nos poèmes préférés
notons nos pensées
recopions des citations
consignons nos astuces de bricolage ou nos meilleures recettes

écrivons… écrivons…écrivons…

Réapproprions-nous le plaisir d’écrire, de former des pleins, des déliés, pour jouer pleinement notre rôle de passeur, pour partager et créer du lien intergénérationnel !

Sources :




Scripta manent…*

*verba volant, scripta manent… les paroles s’envolent, les écrits restent

Aujourd’hui, je veux vous parler d’écrits familiaux. Quésako ? Ce sont des archives familiales qui présentent la particularité d’être écrites de la mimine -délicate ou velue- de celui ou celle qui les a produites. Donc à titre d’exemple  :

  • des cahiers de recettes (où l’on trouvera suivant la région, celle de la soupe de gaudes, des pêts de nonnes ou du fion du Poiré),
  • des carnets savamment griffonnés et gribouillés de notes, réflexions, extraits, poésies, chansons et croquis, borborygmes en tout genre,
  • des journaux personnels (on les appelle aussi « intimes », une appellation que je trouve rarement adaptée, à moins d’y trouver les affres sentimentales dans lesquelles nous plongent un amour impossible…),
  • des journaux de voyage (voyage qui peut commencer au pas de sa porte, voire même dans sa chambre, comme au moment du confinement),
  • des listes (de films, de livres, d’amants, de destinations, de premières fois, etc.),
  • des cahiers d’écolier (notamment le si fameux cahier de récitations illustré de « jolis » dessins à la main ;-),
  • des courriers entre les membres d’une même famille, voire même une correspondance amoureuse complète, avec les lettres envoyées et celles reçues, si les auteurs ont fini par devenir nos parents…

A l’échelle d’une famille, cela peut représenter une somme importante de vieux papiers, qui ne méritent certes pas d’être tous conservés ad vitam aeternam, mais qu’il est important de feuilleter d’abord, puis d’identifier sous la forme d’un inventaire précis. Pourquoi ? Parce qu’aucune de ces productions manuscrites personnelles n’est dénuée d’intérêt, dans la mesure où elles reflètent un pan de la personnalité ou des centres d’intérêt de leur auteur. On a tendance à sous estimer la capacité de ces documents à nous en apprendre beaucoup sur nos parents ou nos grands-parents.

Prenons deux exemples :

Bernard Maître

Dès son plus jeune âge, Bernard consigne pas mal de choses dans des carnets : les paroles des chants qu’il apprend, les techniques du scoutisme (allumer un feu, faire des nœuds, etc.). A l’âge adulte, il garde toujours un carnet sur lui où il note ses réflexions du moment.

Carnets de Bernard Maître 1939 à 1958

Dans tous les carnets, l’écriture est petite, soignée et la mise en page est maîtrisée. On devine un tempérament calme et posé.
Mais le plus fascinant, ce sont les index et tables des matières qu’il dresse en fin de carnet qui dénote là un esprit rigoureux et méthodique.

Plus tard, il adoptera la même méthode pour ranger son matériel de bricolage : une boîte par item (écrou hexagonal M6 par exemple), un code alphanumérique par boîte et un index alphabétique détaillé qui sert d’outil de recherche… Pour ma part, j’adorais utiliser cet index et évoluer dans cet environnement classifié. C’est certainement là que ma vocation de documentaliste a pris naissance…

Jeanne Gicquel

Nous l’avons déjà évoqué : Jeanne écrit beaucoup… Plusieurs courriers partent chaque jour, à l’attention de sa fille, religieuse à Madagascar, de son autre fille, basée en Haute-Savoie avec sa famille, de son fils, prêtre à Montauban, puis à Bordeaux, de sa famille, restée en Bretagne, de ses amis du Nord, etc. Elle s’adonne à cette activité le matin, entre 7 et 10h, et en tout cas avant le passage du facteur à 11h. Non seulement, elle écrit énormément, mais aussi … de manière… hors NORME ! son écriture ample et généreuse remplit une page A4 en moins de deux (180 à 200 mots suffisent alors qu’avec une écriture classique, on en met facilement le double!)

Lettre de Jeanne GICQUEL (1ère page) – 1978

Or, cette écriture qui se moque de la mise en page et des conventions est révélatrice du tempérament de notre grand-mère, une femme certes très généreuse, mais aussi audacieuse et un brin fantaisiste.

Dans notre famille, nous avons donc hérité d’un grand nombre d’écrits personnels, émanant surtout de la branche maternelle. Plusieurs raisons à cela : tout d’abord, les membres de la famille GICQUEL / MORIN aimaient beaucoup écrire et, il faut l’admettre, ils le faisaient plutôt bien, chacun/e avec un style qui lui était propre. Ensuite, l’éclatement géographique de la famille a joué en faveur d’une correspondance soutenue. Enfin, le fait que deux enfants sur trois n’aient pas eu de descendance (et pour cause !) : à leur décès, l’ensemble de leurs papiers personnels sont donc revenus à la seule qui ne soit pas rentrée dans les ordres, en l’occurrence, notre maman…

Mais on peut s’en douter : ces papiers prennent de la place et les inventorier prend du temps… J’arrive au bout de cette opération. En voilà le résultat, avec ci-dessous la liste des archives manuscrites qui nous ont été léguées :

  • Journal de Jeanne GICQUEL (5 cahiers), écrit dans les années 1980, dans lequel elle raconte ses souvenirs d’enfance en Bretagne (vie quotidienne, sa famille, les fêtes, l’école, le mariage, etc.), puis leur vie de couple dans le Nord et enfin le temps de la retraite dans les Landes. Certains passages sont complétés par Jean MORIN, son fils.
  • Journal de Marie-Louise MORIN écrit en mai-juin 1940 au moment de l’évacuation dans lequel elle raconte l’exode de la famille parti de Lille pour rejoindre le sud-ouest de la France
  • Journal de Marie-Louise MORIN rédigé avant son entrée au couvent où elle fait part de sa vie quotidienne et de ses états d’âme
  • Journal de Jean MORIN (1 cahier), dans lequel il raconte les derniers moments de la vie de Jeanne GICQUEL et rapporte quelques souvenirs de la maison des Landes
  • Journal de Thérèse MORIN (4 feuillets recto-verso écrits un peu sous la torture, à la demande de sa fille 🙂 qui fait part de souvenirs de sa vie à Loos-lez-Lille
  • Lettres envoyées par Jeanne GICQUEL à ses 3 enfants, et inversement, soit : sa fille, Marie-Louise, vivant à Madagascar, Thérèse, et sa famille, en Haute-Savoie, et Jean, qui résidait durant un temps à Bordeaux.
  • Courriers échangés entre les frères et soeurs, Marie-Louise, Thérèse et Jean MORIN
  • Courriers échangés entre Bernard MAITRE et Thérèse MORIN entre le moment de leur première rencontre et leurs fiançailles, de 1957 à 1958. Cela représente environ 300 lettres qui décrivent leur quotidien, ainsi que leurs états d’âme, l’un habitant à Paris et l’autre à Tours. Nous en avons terminé la lecture avec ma sœur.
  • Courriers échangés entre Bernard MAITRE et Thérèse MORIN à l’occasion de voyages effectués par Bernard à Madagascar, respectivement en 1984 et 1987 (3 mois à chaque fois)
  • Cahiers de recettes de Jeanne et de Thérèse MORIN
  • Carnets de croquis de Thérèse MORIN sur les tenues vestimentaires créées pour ses enfants (robes, pantalons, etc.) et sur les décorations faites pour Noël (de 1960 à 2000) – cf article Les fêtes (partie I) : nos héros de Noël
  • Carnets de chants, de techniques scoutes, de réflexions de Bernard MAÎTRE (de 1939 à 1958)
  • Cahiers de cours de Bernard MAÎTRE (non inventoriés à ce jour)

Une fois cet inventaire terminé, il conviendra, selon les méthodes archivistiques, d’évaluer l’intérêt historique -ou plutôt généalogique- de chacun des documents, et de repérer ceux qui méritent d’être gardés en l’état (sous forme papier) et/ou valorisés (et de quelle manière ?) et ceux qui peuvent être éliminés. Un plan de conservation et de gestion de ces archives devra alors être établi, avec la production d’outils, de type index ou plans de classement (tiens, tiens, tiens…) pour en faciliter la recherche. Encore bien du travail sur la planche !




Questionnaire sur la mémoire familiale – Résultats

En 2019-2020, j’ai suivi une formation à distance en histoire des familles et généalogie dispensée par l’Université de Nïmes. Puis en 2021, j’ai enchaîné avec le D.U. Installation du généalogiste professionnel. Dans ce cadre, j’ai été amenée à travailler sur un projet personnel . Mon idée est de créer une activité autour de la mémoire familiale (et de sa transmission) qui selon mon analyse repose sur 3 piliers : la généalogie, le récit de vie et les archives familiales. Pour finaliser mon étude de marché, j’ai lancé un questionnaire que j’ai soumis à mes contacts. En 2 semaines, j’ai reçu 156 réponses, ce qui était déjà un très bon score ! Mais plus encore : les retours étaient très intéressants et m’ont permis d’étayer de manière tout à fait pertinente ma réflexion sur le sujet. Le questionnaire étant à présent clos, je vous propose ci-dessous une petite synthèse des résultats…



Vous… par Anne-Catherine Mouchet