La mobilité avant l’heure…

Il a 21 ans et vient tout juste de terminer ses études à l’école nationale professionnelle d’horlogerie de Besançon (spécialité : petite mécanique de précision). Il a aussi mis fin à 9 ans de scoutisme durant lesquels sa persévérance et sa rigueur lui ont permis de gravir les échelons, louveteau, éclaireur, puis routier. Pour autant, il s’est déjà forgé une très haute et noble opinion de la liberté individuelle, qui comprend celle de penser par soi-même, de s’exprimer et d’agir sans contrainte. C’est aussi pour lui de se déplacer librement et de choisir ses activités et son mode de vie en toute indépendance… C’est ce qui va l’amener dans les dix années qui vont suivre à changer chaque année de lieu d’habitation et presque autant de travail…



MAÎTRE Bernard, né en 1927 à Besançon, dcd en 2014, fils de Raymond (GPP) et AYMONIER Rose – Conjointe : MORIN Thérèse, 3 enfants

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Une fine mouche !

Elle a onze ans. Sa famille et ses amis l’appellent Mouche, peut être à cause du minuscule grain de beauté qu’elle porte au cou et qui à l’âge adulte agrémentera très élégamment son décolleté ? Plus vraisemblablement en sa qualité de petite dernière dotée d’une belle vivacité… Une fine mouche en vérité.

Son prénom « officiel », elle le tient d’une sainte très populaire. Elles ont toutes deux en commun un caractère joyeux mais bien trempé, et une grande sensibilité. Car, en bons bretons qui se respectent, ses parents sont catholiques pratiquants. Pas du genre à coasser dans les bénitiers, non ! De nos jours, on dirait plutôt : « catholiques militants » tant ils vivent leur foi au quotidien, de manière engagée et responsable, à l’image de l’abbé Paul Six (1), figure emblématique des premiers prêtres ouvriers, qui vient souvent leur rendre visite.

« Au Boulevard » (2), la porte est toujours ouverte, la maison toujours pleine ; l’assiette du pauvre est là, accompagnée souvent du pauvre qui va avec. On ne compte plus le nombre d’occasions où les parents ont été pris en flagrant délit de bonne action… à en faire pâlir un chef de patrouille scout ! Un frère bien démuni face à la maladie de sa femme ? qu’à cela ne tienne, on reçoit deux de ses enfants en pension durant trois ans. Des amis dont le père, divorcé, est empêché de voir ses quatre enfants ? Qu’il vienne donc exercer son droit de visite hebdomadaire à la maison…

D’ailleurs, des enfants, il y en a toujours partout… et tout le temps… Le groupe de base est constitué par les trois Morin, formant des couples avec les quatre GUILBERT, Marie-Louise avec Jacqueline, Jean avec Georges et le petit Jean, et Thérèse avec Mimie. Toutes les vacances, tous les congés, ils les passaient ensemble. Un groupe auquel viennent se greffer les cousins ou les enfants de passage. Tout ce joli monde s’égaie dans le jardin, immense (un jardin ouvrier comprenant une dizaine de parcelles), arpente les allées en vélo, se déguise, invente des pièces de théâtre, les plus grands s’occupant des petits. Les joies des jeux en bande elle connait, raison pour laquelle elle aura tant de plaisir à voir ses enfants, puis ses petits-enfants plus tard, renouer avec cette pratique collective.

Très souvent, ils ont la visite de l’abbé Jean (3), un prêtre plein d’enthousiasme et de joie de vivre, inventant des jeux, jouant au foot et apportant avec lui des films de Charlie Chaplin.

A quoi pense t’on quand on est une petite fille de onze ans ? aux fous rires et aux parties de glissades dans les escaliers bien cirés, partagés avec le frère, la sœur, mais aussi le papa, complice des nombreuses extravagances de ses enfants ? Aux instants d’exception passés avec la grande amie Mimie, des difficultés à se quitter en fin de journée occasionnant de multiples aller-retour entre les deux maisons, l’une raccompagnant l’autre, qui raccompagne l’une, etc. etc. ? Au chat Noirou, qui chaque jour escorte jusqu’au portail le papa partant en vélo au travail, et qui va se poster pour l’attendre au même endroit dix minutes avant son retour ? Aux immenses parties de cache-cache avec la « bande » dans la maison château que possède la famille GUILBERT ? et au plaisir un peu bravache de passer entre les jambes du grand-père, Georges POTIE, député-maire de la ville, et de se poursuivre dans le grand parc, sous le regard amusé des employés de maison ?

Oui sans doute qu’elle pense à tout ça, la petite Mouche. Et certainement à bien d’autres choses. Car de tels bons souvenirs permettent à l’enfant qu’elle est de tenir à distance les mauvaises nouvelles qui envahissent son quotidien : l’Allemagne nazie qui gagne du terrain ; le masque à gaz qu’elle doit emmener partout, même à l’école. L’incertitude qui grandit chassant chaque jour les derniers résidus d’insouciance. Elle sent l’inquiétude de ses parents, de sa sœur aînée, qui hier soir ont préparé les bagages… au cas où… Partir oui, quitter Loos, la maison du Boulevard, demain… 18 mai 1840… fuir les bombardements, les alertes, mais dans quelle direction ? et avec quel moyen de locomotion ?
Celle qui n’a que onze ans a forcément peur, mais elle ne le dit pas, ne voulant pas rajouter des peines supplémentaires à sa famille. Elle aimerait tant pouvoir partager ses craintes avec sa grande amie Mimie. Et dans ces moments, elle lui en veut de l’avoir abandonnée, emportée un an 1/2 plus tôt par la pneumonie…

(1) abbé Paul Six (1860-1936) (2) 61 Boulevard de la République à Loos (59) (3) abbé Jean Tack, aumônier à Loos-lez-Lille

MORIN Thérèse née en 1927 à Loos-lez-Lille (59), dcd en 2009, fille de Louis (GPM) et de GICQUEL Jeanne (GMM) – conjoint : MAÎTRE Bernard, 3 enfants

En savoir plus :

  • Chaline Nadine-Josette. Le catholicisme social dans le Nord au début du XXe siècle. In: Revue du Nord, tome 73, n°290-291, Avril-septembre 1991. Cent ans de catholicisme social dans la région du Nord. Actes du colloque de Lille, 7 et 8 décembre 1990. pp. 305-314. DOI : https://doi.org/10.3406/rnord.1991.4640



Mouvement perpétuel des générations

Allez ! pour commencer, on enfonce des portes ouvertes ! C’est l’histoire de parents qui ont des parents ayant aussi des parents qui ont des parents…

Chaque individu a un père et une mère, qui ont eux-mêmes un père et une mère, qui ont aussi un père et une mère, et ainsi de suite. Pour l’individu de la génération I, cela fait donc

  • quatre grands-parents (GP) à la génération III
  • huit arrière-grands-parents (AGP) à la génération IV
  • seize arrière-arrière-grands-parents (GPP5 ou GMP5 ou GPM5 ou GMM5) à la génération V
  • trente-deux arrière-arrière-arrière-grands-parents (GPP6 ou GMP6 ou GPM6 ou GMM6) à la génération VI
  • ….

On l’aura compris : le nombre d’ancêtres double à chaque génération.

On aura ainsi 512 ancêtres de la génération X (10) et si on s’intéresse au total, en comptant les ancêtres des générations précédentes, on obtient déjà 1024 individus (= 210), sachant que pour un  individu de génération I né dans les années 1990, on se situerait alors grosso modo au début du 18ème siècle (1700-1720).